Actualités

François Ruffin : « Le Français doit vivre de son travail, bien le vivre… »

par | 15 février 2024 | Poli­tique

Au pré­am­bule de sa confé­rence, le dépu­té de la Somme, M. Fran­çois Ruf­fin, a exhor­té les Fran­çais à s’or­ga­ni­ser, se mobi­li­ser et se syn­di­quer. (J2R)

Le 13 février à la Mai­son des syn­di­cats de Cer­gy-Pon­toise, Fran­çois Ruf­fin, l’é­toile mon­tante de la gauche fran­çaise, a cri­ti­qué le sys­tème actuel qui façonne un tra­vail pré­caire et sans aucun sens. Pour lui il est essen­tiel de remettre la valeur tra­vail au centre du débat poli­tique fran­çais, pour abou­tir à un tra­vail éman­ci­pa­teur dans la socié­té.

Devant une salle comble, la CGT du Val-d’Oise a accueilli le dépu­té de la Somme, M. Fran­çois Ruf­fin pour don­ner une confé­rence autour de son livre récent, « Le Mal-tra­vail, le choix des élites » (1) D’emblée, le dépu­té de la Somme, a mis à l’aise l’au­di­toire en expli­quant que, mal­gré la situa­tion dégra­dée du monde du tra­vail, il faut s’or­ga­ni­ser et se syn­di­quer ; ce qui a rejouit la tri­bune de syn­di­ca­listes (pom­piers, fonc­tion­naires des hôpi­taux et de l’E­du­ca­tion natio­nale…).

La ques­tion du tra­vail est immense aus­si le champ de réflexion du dépu­té de la Somme a consis­té à obser­ver les muta­tions de ces quatre der­nières décen­nies. Le tra­vail est pas­sé d’une valeur et d’une pas­sion, utiles pour une socié­té, à un coût, une sorte de variable d’a­jus­te­ment qui per­met à l’i­déo­lo­gie domi­nante, celle de l’é­cole de Chi­ca­go, de cal­cu­ler, de mar­chan­di­ser et réduire le coût de tra­vail dans la for­ma­tion de la richesse natio­nale, voire mon­diale. Des concepts clefs comme la com­pé­ti­tion, la concur­rence effré­née ont accom­pa­gné le mou­ve­ment inexo­rable vers une mon­dia­li­sa­tion heu­reuse pour une élite (la jet set socie­ty) qui a ren­du le tra­vail pénible pour la majo­ri­té des Fran­çais.
Le per­son­nel de l’E­du­ca­tion natio­nale subit une mal-trai­tance constante et il est mal payé ; les pom­piers, les poli­ciers, les hos­pi­ta­liers ne semblent plus être en phase avec l’en­ca­dre­ment « comp­table » de nos élites. « La direc­tion ne connaît plus le ter­rain » a expli­qué un agent hos­pi­ta­lier. C’est pire pour le tra­vailleur dans la sphère mar­chande : les acci­dents (et morts) au tra­vail, les inap­ti­tudes au tra­vail, les mala­dies liées au stress des cadences dia­bo­liques dans la logis­tique et les soins à la per­sonne (sec­teur en forte crois­sance der­niè­re­ment) carac­té­risent « le mal-tra­vail ». Pour F. Ruf­fin, « la cause des maux au tra­vail est l’ul­tra-libé­ra­lisme » adop­té par nos élites depuis les années 1980.

Ain­si, on est arri­vé au som­met du non sens ; les entre­prises, sui­vant les firmes mul­ti­na­tio­nales, se séparent de leur « coût » lié au per­son­nel en met­tant en oeuvre des délo­ca­li­sa­tions (pour trou­ver le coût sala­rial le moins cher et les per­sonnes les plus mal­léables). On licen­cie en masse pour faire gros­sir les divi­dendes. D’une manière emblé­ma­tique, M. Ruf­fin a évo­qué le sou­hait d’un ancien PDG d’Al­ca­tel qui vou­lait « une usine sans tra­vailleurs ». Le must pour une élite décon­nec­té du ter­rain et sans ancrage ter­ri­to­rial. Pour cette élite, de Bang­kog, ou de Sin­ga­pour à New-York, en pas­sant par Paris, le coût-tra­vail per­met de jouer dans un grand casi­no mon­dial où la coer­ci­tion sur les tra­vailleurs en mini­mi­sant le mini­mum légal et le chan­tage pour la créa­tion des emplois pré­do­minent.

Dans une com­pa­rai­son inter­na­tio­nale, les acci­dents du tra­vail, les mala­dies au tra­vail, des cas d’an­xié­té et d’i­nap­ti­tude ont aug­men­té notam­ment en France… qui est au podium dans presque toutes ces caté­go­ries. En outre, la délo­ca­li­sa­tion, « c’est la recherche du mal-tra­vail ailleurs » a‑t-il sou­li­gné. Le recours à la sous-trai­tance, le rem­pla­ce­ment des métiers par des bouts de « bou­lots de merde » (voir le concept de Bull-shit jobs de David Grae­ber), les cadences infer­nales ont conduit à « désta­bi­li­ser la socié­té » en semant le chaos et la peur « de la fin du mois ». En somme, en qua­rante ans, « le tra­vail est deve­nu un coût » (au sens matière pre­mière) aban­don­nant le pré­cepte que le tra­vail crée de la valeur et de la richesse de la Nation. 

Mais, la machine est grip­pée selon l’a­na­lyse du dépu­té de la Somme. Trois enjeux – démo­gra­phique, cli­ma­tique et poli­tique – ont chan­gé la donne depuis la COVID. « Le mar­ché ne marche plus ! » a déve­lop­pé le dépu­té. La classe labo­rieuse se réduit en termes de nombre ; les taux de nata­li­té ont bais­sé dans tous les pays indus­tria­li­sés. « L’E­tat, les entre­prises ont cas­sé le col­lec­tif, » a‑t-il conclu le dépu­té Ruf­fin. En outre, les invi­sibles (les CDD, les inté­ri­maires, les sans papiers…) sont deve­nus incon­tour­nables au ser­vice de la popu­la­tion, mais la crise Covid les a ren­du visibles. Par consé­quent, ils demandent un juste salaire.

Pour lui, des mesures s’im­posent à court et à moyen terme. Contrai­re­ment à la pous­sée ultra-libé­rale, une cer­taine régle­men­ta­tion s’im­pose pour réduire les inéga­li­tés dans les salaires et pour une saine répar­ti­tion de la valeur engen­drée par l’é­co­no­mie : le 0,1 % doit ces­ser de se gaver au détri­ment de la majo­ri­té des Fran­çais. En plus, il a mar­te­lé l’ur­gence de mettre trois mesures phare : un pro­tec­tio­nisme mesu­ré pour contrer les pro­duits à bas coût et à fort impact envi­ron­ne­men­tal ;  l’in­dexa­tion des sala­riés sur l’in­fla­tion (et pour­quoi pas sur les divi­dendes !), l’im­po­si­tion des plus riches (ins­ti­tuer l’ISF par exemple). « Le gavage doit ces­ser » a‑t-il sou­li­gné. Le pays doit débattre, à nou­veau comme en 1936 et 1945, sur des ques­tions de fond : com­ment pro­duire, quoi pro­duire et comme répar­tir la valeur ajou­tée… sans tom­ber dans les affres de l’é­co­no­mie admi­nis­trée.

En conclu­sion, les enjeux du moment conduisent à prendre des mesures fortes pour per­mettre au Fran­çais de « vivre de son tra­vail, et bien le vivre ». Un chan­tier tita­nesque pour un seul dépu­té mais qui manie la langue avec élo­quance, qui fera pro­ba­ble­ment bou­ger les lignes poli­tiques d’une gauche déso­rien­tée.  

Cita­tion :

« Voi­là ce qui les anime : la fier­té du tra­vail bien fait, le sen­ti­ment d’utilité. Même chez les tra­vailleuses, les tra­vailleurs, aujourd’hui rem­plis de dégoût, abat­tus, décou­ra­gés, il faut encore entendre cette musique, en sour­dine : leur fier­té d’hier, leur uti­li­té per­due, et cette perte fait toute leur dou­leur. Et l’espoir, tou­jours, de retrou­ver uti­li­té et fier­té : se réa­li­ser en réa­li­sant. »

Note :

1. « Mal-tra­vail, le choix des élites », 2024, Edi­teur, Les liens qui libèrent, 221 pages, 15 euros.  

Pour en savoir plus :

http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Mal_travail-9791020924131–1‑1–0‑1.html#:~:text=Le%20choix%20des%20élites&text=Pourtant%2C%20c%27est%20bien%20vrai,«%20pacte%20»%20depuis%20quarante%20ans.

.

Aider notre jour­nal indé­pen­dant en sous­cri­vant à l’a­dresse sui­vante. Par avance mer­ci : https://fr.tipeee.com/les-2-rives-yvelines

LE PANIER DU MARCHÉ JOEL PICARD LES MERCREDI ET SAMEDI AU 74 RUE PAUL DOUMER À TRIEL-SUR-SEINE

RÉSERVATION LA VEILLE AVANT 15 HEURES AU
07 67 53 45 63 (cli­quez)

Municipales 2020

Share This
Verified by MonsterInsights