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Accord de sécurité franco-ukrainien et situation en Ukraine – intervention du sénateur Claude Malhuret le 13 mars 2024

par | 14 mars 2024 | Poli­tique, Tri­bunes

Claude Mal­hu­ret, Pré­sident du Groupe Les Indé­pen­dants – Répu­blique et ter­ri­toires au Sénat

Nous repro­dui­sons ici in exten­so le dis­cours du séna­teur Claude Mal­hu­ret pro­non­cé à pro­pos de l’ac­cord de sécu­ri­té conclu entre la France et l’U­kraine. Il nous paraît expri­mer la juste opi­nion de la situa­tion actuelle de l’Europe, de la conduite à tenir par la France, et, est à médi­ter à l’approche des pro­chaines élec­tions au par­le­ment euro­péen début juin.

Claude Mal­hu­ret ; “Notre débat inter­vient à un moment cru­cial de la guerre en Ukraine pour au moins quatre rai­sons.

L’as­sas­si­nat d’A­lexeï Naval­ny a fait com­prendre aux der­niers aveugles que le régime de Pou­tine n’est pas une démo­cra­tie illi­bé­rale, une démo­cra­ture, un pou­voir auto­ri­taire et tous ces euphé­mismes men­son­gers, mais une mafia d’É­tat, une gan­grène tota­li­taire impla­cable au dedans comme au dehors, avec laquelle toute dis­cus­sion, toute négo­cia­tion est d’a­bord une lourde erreur, ensuite une lâche­té, enfin le doigt dans l’en­gre­nage de la capi­tu­la­tion.

La deuxième rai­son est que les menaces graves sur la Mol­da­vie et les pays baltes viennent prou­ver aux plus obtus des idiots utiles qui nous répé­taient hier que Pou­tine n’en­va­hi­rait pas l’U­kraine aujourd’­hui qu’il n’en­va­hi­ra que l’U­kraine, que l’im­pé­ria­lisme russe ne s’ar­rê­te­ra pas à Kiev, mais que, comme l’a dit un jour le bou­cher de Mos­cou, les fron­tières de la Rus­sie ne se ter­minent nulle part.

La troi­sième rai­son est que la reprise de l’i­ni­tia­tive par les Russes vient démon­trer qu’une coa­li­tion des États les plus riches du monde n’est pas capable de four­nir un stock de muni­tions égal à celui four­ni à l’a­gres­seur par la Corée du Nord et l’I­ran. C’est une réa­li­té dont nous devrions avoir honte et qui com­mence à être enfin com­prise par les diri­geants euro­péens.

La qua­trième rai­son est la proxi­mi­té de l’é­lec­tion pré­si­den­tielle aux États-Unis et l’hy­po­thèse plau­sible de l’ar­rêt de l’aide amé­ri­caine. Cette échéance n’in­quié­tait pas tant qu’elle res­tait loin­taine, elle force désor­mais les euro­péens à envi­sa­ger d’as­su­mer la maî­trise de leur propre des­tin pour la pre­mière fois depuis 1945.

Ces constats me rendent-ils pes­si­miste ? En aucun cas. D’abord, si nous sommes ici aujourd’­hui, c’est parce que les accords bila­té­raux tels que celui signé par la France se mul­ti­plient. Ils s’ac­com­pagnent de réunions, de décla­ra­tions, de confé­rences de presse qui témoignent enfin d’une prise de conscience par les euro­péens de l’Ouest, de l’ur­gence d’une riposte réso­lue qui n’é­tait com­pris jus­qu’à ce jour que par les pays d’Eu­rope de l’Est, en pre­mière ligne et déniai­sé depuis long­temps.

Les paci­fistes, les défai­tistes, les col­la­bos, bref les troupes de Pou­tine en France, comme vous avez eu rai­son de les qua­li­fier, Mon­sieur le Pre­mier Ministre, la cin­quième colonne de l’ex­trême droite et de l’ex­trême gauche, les pou­ti­no-pété­nistes et les pou­ti­no-wokistes, ceux qui hier à l’As­sem­blée ont voté contre ou se sont abs­te­nus, sont évi­dem­ment vent debout contre ces accords, comme ils sont déchaî­nés depuis dix ans pour applau­dir à l’an­nexion de la Cri­mée, pour refu­ser l’en­trée dans l’O­TAN de la Suède et de la Fin­lande, pour refu­ser les armes pour l’U­kraine, pour conti­nuer de salir la mémoire de Naval­ny après sa mort.

Ils taxent le Pré­sident de va-t-en-guerre, eux qui n’ont jamais employé le mot va-t-en-guerre contre celui qui mas­sacre les ukrai­niens avec 500 000 sol­dats en pre­mière ligne, eux qui sont les va-t-en-capi­tu­la­tion. Col­la­bos des alle­mands avec Pétain, col­la­bos de l’URSS avec le sou­tien au pacte ger­ma­no-sovié­tique, col­la­bos de Pou­tine aujourd’­hui, les par­ti­sans de la paix des lâches, qui n’est autre que l’an­nonce de la ser­vi­tude.

Ils affirment que le Pré­sident, je cite « rompt brus­que­ment avec sa poli­tique étran­gère en rai­son de l’ap­proche des élec­tions euro­péennes ». Petite invec­tive poli­ti­cienne. Il a seule­ment com­pris que la ligne jus­qu’au-bou­tiste de Pou­tine n’a jamais chan­gé, qu’elle ne chan­ge­ra pas et qu’elle se dur­cit chaque jour. Pour ma part, je pré­fère mille fois le Pré­sident qui parle pour la pre­mière fois de la défaite néces­saire de la Rus­sie, à celui qui expli­quait qu’il ne fal­lait pas humi­lier Pou­tine. Je pré­fère mille fois le Pré­sident qui a com­pris que l’Oc­ci­dent a eu tort d’a­ban­don­ner à Pou­tine la maî­trise de l’es­ca­lade car cela revient à lui concé­der l’i­ni­tia­tive à chaque étape du conflit.

J’en­tends Jor­dan Sel­fie, dents blanches haleine fraîche, le Ponce Pilate de la guerre en Ukraine, nous expli­quer qu’il faut fixer des « lignes rouges » par les­quelles nous dési­gne­rions à l’a­vance les limites de notre sou­tien, alors que la Rus­sie, elle, n’en recon­naît aucune. Ce Game­lin du Dnie­pr pré­tend être un jour pre­mier ministre de la France, je lui sug­gère une éco­no­mie consi­dé­rable pour notre pays endet­té : sup­pri­mer le bud­get des armées et le rem­pla­cer par un répon­deur télé­pho­nique au Minis­tère de la Défense qui dirait : « Mes­sage à l’armée russe, ne tirez pas, nous nous ren­dons ».

Les pro­fes­sion­nels de l’agit-prop mentent aux fran­çais en leur disant que leurs enfants vont être envoyés sur le front alors que l’ar­mée fran­çaise est une armée de métier et que le Ministre de la Défense a expli­qué que d’é­ven­tuelles mis­sions seraient de sou­tien et de main­te­nance. Il paraît aus­si que nous sommes iso­lés et l’on reproche à Emma­nuel Macron de ne pas s’être assu­ré au préa­lable de l’a­val de nos alliés sur ses décla­ra­tions.

Qu’en est-il aujourd’­hui ? D’a­bord l’a­vis des pre­miers inté­res­sés, les ukrai­niens, ils se féli­citent de la posi­tion fran­çaise. Les polo­nais, les baltes, les mol­daves, les Pays-Bas, le Pré­sident tchèque aus­si et d’autres le disent. Quant aux États-Unis et au Royaume-Uni, leur humour tout bri­tan­nique a sans doute échap­pé au va-t-en-défaite. Biden, vieux rou­tier de la guerre froide, annonce sans sour­ciller qu’il n’en­ver­ra pas d’a­mé­ri­cains en Ukraine au moment même où le New York Times révèle qu’il y a 14 bases de la CIA dans le pays.

Le Pre­mier Ministre anglais annonce lui qu’il ne pré­voit pas d’en­voyer de nou­velles troupes, je cite, « pour le moment et au-delà de celles qui y sont déjà ». Cette phrase se passe d’explications. Il faut ajou­ter pour les semeurs d’af­fo­le­ment qui n’ont à la bouche que le spectre de l’a­po­ca­lypse nucléaire, que Pou­tine le sait par­fai­te­ment et que, comme ces pré­cé­dentes lignes rouges, qu’il aban­donne chaque fois qu’elles sont fran­chies, la pré­sence de sol­dats alliés ne l’a pas inci­té à appuyer sur le bou­ton mal­gré sa 26ème menace de le faire depuis deux ans.

Reste Scholz, n’é­cou­tant que son cou­rage, qui ne jure que par la garan­tie amé­ri­caine et qui est la cible de tous les par­tis alle­mands, même ceux de sa coa­li­tion, pour son immo­bi­lisme. Je lui donne ren­dez-vous en novembre pro­chain, en cas d’é­lec­tion de Trump, pour une com­pa­rai­son entre les choix de la France qui appelle depuis des années à une défense euro­péenne, et les siens, lui qui a mis tous ses œufs dans un panier qui aura dis­pa­ru.

Le nombre de ceux qui com­prennent que la défaite de l’U­kraine serait, dans la seconde même, notre défaite, ne cesse de croître. La las­si­tude de nos conci­toyens, atti­sée chaque jour par les appels des pani­co­crates à la lâche­té, ne les empêche pas d’être tou­jours lar­ge­ment favo­rables à la pour­suite de l’aide, alors que les traîtres espé­raient un lâchage dès l’hi­ver 2022.

Il reste un point essen­tiel. Pas­ser de la parole aux actes et c’est là que le bât peut bles­ser. L’é­co­no­mie de guerre évo­quée depuis 6 mois par le Pré­sident sup­pose deux condi­tions : mul­ti­plier les com­mandes d’ar­me­ment et pré­pa­rer d’autres sites de pro­duc­tion. Ces condi­tions ne sont pas encore réunies. La part que la France a prise jus­qu’à pré­sent dans l’ef­fort de guerre est consé­quente, mais en com­pa­rai­son d’autres pays par rap­port à leur PIB, elle n’est pas encore suf­fi­sante. Et j’es­père que cet accord lui per­met­tra de l’être rapi­de­ment.

Le dis­cours pou­ti­nien, il ne faut pas s’y trom­per, évo­lue exac­te­ment comme le dis­cours hit­lé­rien des années 1930, même si cer­tains aujourd’­hui tentent de nier la com­pa­rai­son. Dans un pre­mier temps, pré­tendre que le pays a été humi­lié dans le règle­ment de la guerre froide, c’est la réplique du mythe du coup de poi­gnard dans le dos alle­mand. Nous n’a­vons pas été vain­cus mais tra­his par nos propres poli­ti­ciens.

Puis, pré­tendre que la Rus­sie doit mon­trer les poings pour que le pays retrouve son rang dans le monde et enfin consi­dé­rer, comme Hit­ler avec les Alle­mands des Sudètes et de la Pologne, que par­tout où il y a des mino­ri­tés rus­so­phones, la Rus­sie est chez elle. Cette pro­pa­gande a été relayée à cha­cune de ces inflexions par des com­plices conscients ou incons­cients chez nous.

Aujourd’­hui, au fameux édi­to­rial de Déat « Faut-il mou­rir pour Dan­zig » en 1939, répond en écho le « nous ne vou­lons pas mou­rir pour le Don­bass ». En réponse à cet éta­lage indé­cent, de lâche­té, je vou­drais citer Ray­mond Aron, qui disait en 1939, éga­le­ment : « Je crois à la vic­toire des démo­cra­ties, mais à une condi­tion, c’est qu’elles le veuillent. » Cette phrase n’a jamais été autant d’ac­tua­li­té.“

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