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Rencontre avec le « sauveur » des océans, Bren Smith

par | 1 avril 2024 | Envi­ron­ne­ment

Bren Smith était de pas­sage à Paris pour pro­mou­voir son livre « Le Fer­mier des océans » où il raconte son par­cours, sa pas­sion et sa méthode pour don­ner une alter­na­tive à ce monde pro­duc­ti­viste de la pêche indus­trielle. (J2R)

Le J2R a ren­con­tré, le 27 mars, l’au­teur du livre « Eat Like A Fish » (tra­duit : « Le fer­mier des océans », Ed. L’arbre qui marche, mars 2024). Bren Smith, ancien de l’in­dus­trie de la pêche pro­duc­ti­viste, s’é­rige en défen­seur d’une autre voie qui pour­rait sau­ver les océans du monde tout en pou­vant pro­duire la nour­ri­ture pour la popu­la­tion mon­diale. Pour lui, l’a­qua­cul­ture per­met un modèle régé­né­ra­tif et équi­table à base de fermes, d’algues et de coquillages.

Va-t-on voir un per­son­nage à la Mar­tin Eden (écrit par Jack Lon­don, en 1909) ? Quelques res­sem­blances : barou­deur, dis­cours direct, témé­raire, aimable quand il faut… et puis, Bren Smith m’ap­pa­raît comme un péque­not qui a des idées inno­vantes : Com­ment est-il arri­vé à faire ce par­cours rocam­bo­lesque d’un pêcheur contraint de se réin­ven­ter, qui au pas­sage déclenche une révo­lu­tion dans les océans. Peut-être il détient la solu­tion pour « nour­rir et donc sau­ver le monde ». C’est en mer qui se déroule la mère de batailles, nour­rir l’hu­ma­ni­té. C’est osé comme affir­ma­tion.

1.  Jour­nal des 2 rives : En rétros­pec­tive, êtes-vous satis­fait de votre par­cours, de votre manière de vivre le monde marin ? Res­sen­tez-vous des regrets ?

Bren Smith : Ma vie ne devait pas se dérou­ler ain­si. J’ai eu beau­coup de chance avec des ren­contres qui m’ont fait bifur­quer ici et là. Vous savez que vivre et tra­vailler dans l’o­céan cela vous per­met de moments de réflexion, de médi­ta­tion et de déci­sion…  Il y a eu de moments de joie, de soli­tude et de souf­france. Pas trop, mais assez pour en savoir leurs impact. Sur la souf­france, par exemple, un pro­verbe irlan­dais sou­ligne qu’il faut savoir « s’en­tou­rer des gens qui ont souf­fert un peu, mais pas trop » pour pou­voir vivre bien dans son corps et dans son âme. Ain­si, je porte ma « souf­france » en moi et je porte une par­tie de la souf­france de l’hu­ma­ni­té.

Chaque jour, quelque soit la météo ou l’ac­tua­li­té mon­diale (qui est noir­cie par des drames et de guerres), je rem­plis ma jour­née avec joie et je me sens bien à la fin de la jour­née avec une sen­sa­tion de devoir accom­pli. Concer­nant mon approche pro­fes­sion­nelle, j’ai eu des échecs, mais le résul­tat final a été pro­bant. Sans vou­loir détruire le mythe de l’en­tre­pre­neur amé­ri­cain, je suis for­mel sur le fait que les réus­sites dépendent des échecs du pas­sé… des imi­ta­tions, des réseaux et de la chance. C’est l’an­ti-thèse  du self-made man.

Quant à ma vie pri­vée, j’ai eu des moments dif­fi­ciles avec ma famille dis­lo­quée, avec mes addic­tions et par­fois mes démons. Cela dit, j’ai ren­con­tré une belle per­sonne, mon épouse Taman­na,  qui m’a sau­vé et m’a per­mis de conduire dif­fé­rem­ment. C’é­tait un moment de rédemp­tion qui  conti­nue avec cette belle dyna­mique qui consiste à soi­gner les océans tout en pro­po­sant une alter­na­tive à ce pro­duc­ti­visme ambiant.

2. J2R : Avez-vous des regrets ?

B.S. : Aller à la facul­té de droit à l’u­ni­ver­si­té de Cor­nell (dans l’E­tat de New York) était une erreur car le fos­sé de classe (le bagage intel­lec­tuel et éco­no­mique… de la classe d’en haut) était insur­mon­table pour ce qui me concerne. D’ailleurs, je n’ai pas eu mon diplôme.

3.  J2R : Dans le cha­pitre 17 « Nager avec les requins » de votre livre, Le fer­mier des océans, (1) vous êtes très cri­tique du monde finan­cier, a for­tio­ri éco­no­mique ? Quelles sont les alter­na­tives à ce monde de requins ?

B.S. : Je vais pro­gres­si­ve­ment tâcher de trou­ver un outil pour soi­gner les océans avec l’aide des acteurs du ter­rain, des men­tors et avec la volon­té de régé­né­rer la Natur, en par­ti­cu­lier l’o­céan. La réponse avec la ferme d’o­céans dans le détroit de Long Island (entre l’E­tat de New York et celui de Connec­ti­cut) était de déve­lop­per des cultures d’algues, de palourdes et de moules. Il était indis­pen­sable une autre approche avec des idées et moyens inno­vants. M. John B. Ful­ler­ton,(2) éco­no­miste, père du concept d’é­co­no­mie régé­né­ra­tive,  m’a confor­té dans l’i­dée de coopé­rer, col­la­bo­rer et de répar­tir les risques (en amont)  les gains (en aval). Par voie de consé­quence, la concen­tra­tion (et la ver­ti­ca­li­té dans la prise de déci­sion qui en découle) dans les mains de mul­ti­na­tio­nales comme Mon­san­tos, n’est plus com­pa­tible avec cette nou­velle éco­no­mie cir­cu­laire. En plus, les 260 fer­miers d’o­céans actuel­le­ment en place n’ont pas besoin d’en­trants (inputs) car l’o­céan en est un gise­ment. La notion que « small is beau­ti­ful » prend son véri­table sens et doit deve­nir pré­do­mi­nante car nous avons un océan d’in­trants sans aucun paie­ment à débour­ser. En réa­li­té, si, on doit soi­gner constam­ment la Nature, autre­ment dit l’o­céan.

4. J2R : Vous êtes éga­le­ment cri­tique du concept de la pro­prié­té. Prô­nez-vous à nou­veau une révo­lu­tion col­lec­ti­viste ?

B.S. : Pas de tout ! Je ne prône pas le col­lec­ti­visme. J’es­saie de démon­trer la fai­sa­bi­li­té de pou­voir inves­tir dans les moyens de pro­duc­tion à moyen et à long terme et par le biais d’un mode de déci­sion col­lec­tive, une sorte de coopé­ra­tive à but non lucra­tive. De toute façon, la pro­prié­té pri­vée de l’o­céan n’est pas com­pa­tible avec les défis de demain et, en par­ti­cu­lier, le chan­ge­ment cli­ma­tique. Il est temps de réduire la por­tée d’une éco­no­mie extrac­tive et nui­sible pour l’hu­ma­ni­té. En réa­li­té, les concepts de pro­prié­té pri­vée et des droits d’u­sage devraient être revi­si­tés d’où l’im­por­tance des expé­riences comme celle de Green­wave.

Il n’y a pas d’al­ter­na­tive pour ce qui me concerne. La Nature se révolte à sa manière avec des phé­no­mènes de plus en plus récur­rents tels des oura­gans, des typhons, des séche­resses… Per­sonne ne peut pré­tendre au mono­pole des richesses des océans ou a for­tio­ri des terres.

En outre, selon mon avis, la notion de « com­mons » ou de l’in­té­rêt géné­ral s’ap­plique lar­ge­ment dans ces périodes de troubles. Qui peut assu­rer les frais de dégâts liés aux catas­trophes natu­rels ?
Il faut dépas­ser le sys­tème de prise de déci­sion par le « big busi­ness » et l’emprise de déci­sion ver­ti­cale, cen­tra­li­sée. Il est temps des alter­na­tives aux lois de mar­ché et des lob­bies qui ont com­plexi­fié les rap­ports entre les acteurs/décideurs dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion, de com­mer­cia­li­sa­tion et de consom­ma­tion.

 

La per­son­na­li­té mon­tante qui pré­co­nise un  futur « sobre »

A 14 ans Bren Smith quitte l’école pour deve­nir pêcheur en Alas­ka.
Alas­ka. Il passe des années à écu­mer l’Atlantique nord et le détroit de Béring dans des bateaux de plus en plus gros en com­pa­gnie de marins du monde entier. Comme un sal­tim­banque de temps modernes, il fait tout presque à l’excès : alcoo­lique, un pen­chant pour les drogues… bagarres à ne pas finir. Mais il adore tra­vailler et a failli se tuer en tra­vaillant. Au début des années 1990, le nombre de morues tombe à 1 % de son niveau des années 60, et le gou­ver­ne­ment cana­dien impose un mora­toire sur la pêche.

Car le chan­ge­ment cli­ma­tique est pas­sé par là, et les pois­sons s’épuisent. Après plu­sieurs ten­ta­tives, Bren Smith invente un modèle de ferme océa­nique qui nour­rit et répare la pla­nète. Sa rédemp­tion n’était pas évi­dente : il ne sait pas nager, est aller­gique aux coquillages, et n’a rien d’un fer­mier. Il est aujourd’hui tête d’affiche de docu­men­taires sur CNN et Canal+, et d’une his­toire qui se dévore comme un roman. Si vous aimez l’aventure, l’humour, et avez par­fois envie d’une nou­velle vie, alors l’histoire de Bren va vous par­ler. Elle est unique aujourd’hui, mais demain nous serons des mil­liards à devoir nous réin­ven­ter.
Bren Smith change de voie, devient un modèle de rédemp­tion. L’auteur essaye l’aquaculture, fonde suc­ces­si­ve­ment deux fermes océa­niques empor­tées par des oura­gans, avant de trou­ver un modèle régé­né­ra­tif et équi­table à base de fermes d’algues et de coquillages qui devien­dra l’organisation Green­Wave.

La presse amé­ri­caine le voit comme l’une des 25 per­son­na­li­tés qui inventent le futur, tout en consi­dé­rant que sa réa­li­sa­tion est une des plus grandes inven­tions du monde.  Bren Smith était en France du 25 au 27 mars pour par­ler de son expé­rience : des entre­tiens ont eu lieu sur BFM Busi­ness dans la Librai­rie de l’éco, sur la RTBF dans l’émission Ten­dances Pre­mière, sur RFI dans l’émission C’est pas du vent. En outre, un docu­men­taire sera dif­fu­sé sur Canal + pour avril. 

Bren vit aujourd’hui en har­mo­nie avec la mer, par­ta­geant son temps entre sa ferme et son asso­cia­tion Green­wave pour for­mer 10 000 per­sonnes à la culture océa­nique.

Pour en savoir plus :

1. Titre : « Le Fer­mier des océans »

Sous-Titre : Mes aven­tures
d’ancien pêcheur en mis­sion
contre le chan­ge­ment cli­ma­tique
Auteur : Bren Smith
Tra­duc­teur : Remi Boi­teux
320 pages – 21,90€
ISBN : 9789998772410
Paru­tion le 21 mars 2024
 
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Nadia Krov­ni­koff

2. John Ful­ler­ton, éco­no­miste non conven­tion­nel, inves­tis­seur d’im­pact, écri­vain et phi­lo­sophe, est l’ar­chi­tecte de l’é­co­no­mie régé­né­ra­tive. En 2001, après une brillante car­rière de 20 ans à Wall Street où il était direc­teur géné­ral de JP Mor­gan, il a écou­té une voix inté­rieure per­sis­tante et est par­ti.

 

 

 

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