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Médias et démocratie : un binôme en panne

par | 2 avril 2024 | Poli­tique, Socié­té

Une ren­contre-débat d’ac­tua­li­té qui a per­mis de faire un constat sévère de la situa­tion actuelle en France. (J2R)

La Ligue des Droits de l’Homme a orga­ni­sé le 28 mars une ren­contre-débat autour du couple (indis­so­ciable ?) Médias et Démo­cra­tie. Que se passe-t-il actuel­le­ment dans les pays euro­péens et aux Etats-Unis autour de ce débat ? La double crise du poli­tique et du jour­na­lisme est-elle insur­mon­table ? Le public fort nom­breux a inter­ro­gé le panel de 4 inter­ve­nants dont Phi­lippe Rel­tien, jour­na­liste de la cel­lule d’in­ves­ti­ga­tions de Radio-France.

La sec­tion LDH de Conflans, André­sy, Chan­te­loup-les-Vignes et Mau­re­court vogue sur le fleuve de la Seine pour appor­ter de la connais­sance et des échanges depuis des années. A la Péniche de Triel, elle a réuni un panel d’in­ter­ve­nants d’ho­ri­zons dif­fé­rents et ayant pour cer­tains une forte expé­rience natio­nale ou locale : Gwe­naëlle Leprat, jour­na­liste indé­pen­dante, élue du Conseil du Syn­di­cat Natio­nal des Jour­na­listes (SNJ); Phi­lippe Rel­tien, jour­na­liste d’in­ves­ti­ga­tion à la cel­lule du même nom ; Elhad­ji Dial­lo, jour­na­liste repor­ter à Radio LFM de Mantes ; Rodri­go Acos­ta, direc­teur du Jour­nal des 2 Rives (par ailleurs auteur de ces lignes). A noter éga­le­ment, la pré­sence de Damien  Dele­rin, pré­sident de l’as­so­cia­tion ADAIM édi­trice du Jour­nal des 2 Rives.

Pour les orga­ni­sa­teurs, la méthode est rodée : « Il ne s’a­git pas d’as­se­ner de véri­té, car cha­cun de nous a sa véri­té, son point de vue… mais d’é­chan­ger et d’ex­po­ser les argu­ments pour ou contre telle ou telle affir­ma­tion. Il ne s’a­git pas de convaincre mais de com­prendre ! »

Le binôme est pié­gé dans un cercle vicieux

Ain­si, le public est invi­té à pré­pa­rer des ques­tions et/ou des remarques pour ali­men­ter les échanges, suite à un pre­mier tour de table des inter­ve­nants. Le constat est sevère car le jour­na­lisme (ou le sec­teur de la presse) ne va pas bien ; comme la démo­cra­tie en Occi­dent d’ailleurs : le binôme est en panne. « Le fos­sé s’ac­croît, fait remar­quer Elhad­ji Dial­lo, repor­ter à la radio LFM, entre les lecteurs/habitants et les jour­na­listes. » Cer­tains auraient pu ajou­ter que des élus ont éga­le­ment per­du la confiance des électeurs/habitants. D’une manière sché­ma­tique, le nombre de titres a dra­ma­ti­que­ment dimi­nué et le nombre de jour­na­listes (même si des pigistes les rem­placent dans un sys­tème qui s’u­be­rise davan­tage) a paral­lè­le­ment chuté.(1)

Un cercle vicieux s’est ins­tal­lé : moins de périodiques/médias abou­tit à moins d’in­for­ma­tion véri­fiée, ce qui conduit à une éclo­sion de fake­news ou de faits alter­na­tifs… qui consistent à dire tout et son contraire sans aucun contrôle « social » ou « fac­tuel ». Le cas d’un article du Pari­sien sur le soi-disant héber­ge­ment dans un « châ­teau » sur l’an­cien site d’A­gro tech à Gri­gnan a mis en évi­dence ce fléau. Certes des « ins­tances déon­to­lo­giques »(2) peuvent inter­ve­nir pour cor­ri­ger des erreurs du média en géné­ral et de la presse en par­ti­cu­lier. Mais, elles ne sont pas en mesure de faire le gen­darme de la presse. A juste titre. Le pay­sage média­tique se dété­riore éga­le­ment par la ten­ta­tive de mono­pole de l’in­for­ma­tion : « 10 grands patrons contrôlent la presse, » a sou­li­gné Phi­lippe Rel­tien avec des consé­quences néfastes pour la démo­cra­tie. Ain­si, l’u­ni­for­mi­sa­tion des articles, des émis­sions et des vidéos, la chute irré­ver­sible de titres indé­pen­dants aux Etats-Unis(3) et en France avec la pau­pé­ri­sa­tion des jour­naux régio­naux, l’ap­pa­ri­tion de zones consi­dé­rées comme des « déserts » d’in­for­ma­tion,  nuisent au bon fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique au niveau local, a for­tio­ri natio­nal. Le popu­lisme et la déma­go­gie consti­tuent la preuve que le choc démo­cra­tique a été bru­tal.

Deux défis, finan­cier et ins­ti­tu­tion­nel

Face à ces défis sys­té­miques, les solu­tions ne sont pas évi­dentes, notam­ment sur les deux fronts, finan­cier et ins­ti­tu­tion­nel. Sur le der­nier point ins­ti­tu­tion­nel, la démo­cra­tie accu­mule des han­di­caps non seule­ment par le manque d’in­for­ma­tion fiable, mais aus­si par le biais du sys­tème élec­to­ral. M. Yvon Ros­con­val, conseiller muni­ci­pal mino­ri­taire à Triel-sur-Sein est inter­ve­nu pour déve­lop­per le constat que le sys­tème est biai­sé et néces­site des réformes, notam­ment par une dose de pro­por­tion­na­li­té (à la fois dans les scru­tins locaux et natio­naux). De ce fait, la trans­pa­rence n’est pas de mise ici et là.

Sur le plan finan­cier, tout semble à revoir, mais le sujet n’a pas été très détaillé pen­dant la soi­rée. Finan­cer d’une manière juste et équi­table des jour­naux (et des jour­na­listes dans tous les médias) sans pour autant alour­dir les dépenses publiques est une ques­tion qui néces­si­te­rait une autre ren­contre-débat. En outre, l’in­for­ma­tion doit-elle être payante et par qui ? La notion de gra­tui­té n’a pas été décor­ti­quée non plus.

En conclu­sion, cette réunion publique a abor­dé l’in­ter­sec­tion entre le besoin d’in­for­ma­tion fiable et le bon fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique des socié­tés occi­den­tales en pre­nant les exemples des Etats-Unis et de la France. Il y a urgence à répondre avec des solu­tions pour péren­ni­ser le binôme Média/Démocratie. Une « pré­ca­ri­té du jour­na­lisme », en miroir des pro­fes­sions qui font par­tie de l’en­semble de Médias, s’ins­talle dura­ble­ment. Entre-temps, il faut « occu­per le ter­rain » avec les moyens du bord…  sans pour autant pou­voir redon­ner la force à nos démo­cra­ties défaillantes.

Repor­tage pho­to et vidéo

Notes

1.  Entre 2011 et 2022, les effec­tifs sont en dimi­nu­tion pro­gres­sive tout au long de cette période. Le nombre de jour­na­listes était d’en­vi­ron 37.000 en 2011. Plus de dix ans après, les effec­tifs étaient infé­rieurs à 34.000. Chaque année, on comp­tait légè­re­ment plus de jour­na­listes mas­cu­lins que fémi­nins.

2. L’ARCOM, créée le 1er jan­vier 22

Auto­ri­té de Régu­la­tion de la Com­mu­ni­ca­tion Audio­vi­suelle et Numé­rique (Arcom) garante des liber­tés de com­mu­ni­ca­tion et d’ex­pres­sion (issue de la fusion du CSA et de l’Ha­do­pi).
Ses déci­sions ont force de loi.
L’ARCOM assure actuel­le­ment la pré­si­dence du REFRAM, le réseau fran­co­phone des régu­la­teurs des medias. A ce titre oeuvre à la conso­li­da­tion de l’E­tat de droit, de la démo­cra­tie et des droits de l’homme.
Le CDJM
Le Centre de Déon­to­lo­gie Jour­na­lis­tique et de Média­tion est une ins­tance de média­tion entre les jour­na­listes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les ques­tions rela­tives à la déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique. Organe d’auto-régulation, le CDJM rend ses déci­sions seul, en toute indé­pen­dance des pou­voirs poli­tiques ou éco­no­miques.
Tout le monde peut sai­sir (gra­tui­te­ment) le Conseil de déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique et de média­tion (CDJM).
https://cdjm.org

3. « Aux Etats-Unis, la dis­pa­ri­tion des jour­naux locaux s’ac­cen­tue », Le Monde, les 7 et 8 jan­vier 2024 page 15. « En 2023, plus de 130 titres ont fer­mé ou ont été absor­bés, ce qui pèse sur le fonc­tion­ne­ment de la démo­cra­tie ».

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