Actualités

Le chaos avec Keolis, selon les utilisateurs de son réseau de bus

par | 28 mai 2023 | Poli­tique, Ver­neuil-sur-Seine

Les cadres des dif­fé­rents acteurs (SNCF, IDF Mobi­li­tés, Keo­lis) ont dif­fu­sé leurs mes­sages et leurs argu­ments qui tendent à sou­li­gner que tout va bien… Selon qui ? (DR)

Les assises du trans­port, qui se sont tenues à Ver­neuil-sur-Seine le 25 mai, ont atti­ré les foudres d’un public nom­breux, excé­dé par la désor­ga­ni­sa­tion du nou­veau ser­vice de trans­port public, mis en place par Keo­lis au nom des auto­ri­tés com­pé­tentes (le sont-elles vrai­ment ?). En réa­li­té, c’est un vrai bazar qui ne semble pas avoir de pers­pec­tives posi­tives à moyen et long termes. Les usa­gers-citoyens-contri­buables se demandent ce que devrait être la suite ? Voi­là la ques­tion qui fera débat dans les mois à venir.

Depuis le 9 mai, la refonte du ser­vice de bus entre Pois­sy et Les Mureaux a pro­vo­qué des remous sur les réseaux sociaux et a, sur­tout, impac­té les dépla­ce­ments quo­ti­diens des habi­tants d’An­dré­sy, de Cha­pet, de Car­rières-sous-Pois­sy, des Mureaux, de Pois­sy, de Triel-sur-Seine, de Ver­neuil-sur-Seine et de Ver­nouillet. Keo­lis a agi sans aucune concer­ta­tion, avant la mise en place de ce nou­veau dis­po­si­tif (1) : la nomen­cla­ture, l’illi­si­bi­li­té des nou­veaux horaires,  des tra­jets « sim­pli­fiés », voire ral­lon­gés dans cer­tains cas, et une cer­taine réduc­tion du niveau de ser­vice de bus carac­té­risent la nou­velle « offre » du délé­ga­taire du ser­vice public : la socié­té Keo­lis, dont la mai­son mère est lar­ge­ment déte­nue par la SNCF, a été char­gée de l’as­su­rer par  l’au­to­ri­té orga­ni­sa­trice de trans­ports (AOT), Île-de-France Mobi­li­tés (pré­si­dée par la Région IDF), avec l’ap­pui (admi­nis­tra­tif ?) de la Com­mu­nau­té urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPS&O).

Acteurs et entités qui semblent vous écouter

Selon le site Inter­net de GPS&O, l’ob­jec­tif affi­ché est de ren­for­cer la mobi­li­té dans la par­tie orien­tale du ter­ri­toire de la com­mu­nau­té urbaine : il s’a­git de pro­po­ser une nou­velle offre sur le réseau des bus entre Pois­sy et Les Mureaux. Celui-ci com­prend 74 lignes régu­lières, des­ser­vant 27 com­munes, soit 200 000 habi­tants, et 29 cir­cuits sco­laires, au moyen de 250 véhi­cules ; ce réseau néces­site le concours d’en­vi­ron 350 conduc­teurs. Lors de la réunion du 25 mai, ont été déplo­rées les absences remar­quées d’un repré­sen­tant de GPS&O et d’é­lus des villes envi­ron­nantes, alors qu’un tel ser­vice public devrait mobi­li­ser les éner­gies et les moyens de tous les déci­deurs poli­tiques concer­nés(2). La dépu­tée Renais­sance Nadia Hai a éga­le­ment brillé par son absence.

En outre, il faut se rendre à l’é­vi­dence, les usa­gers n’ont pas de repré­sen­tants dans le pro­ces­sus de prise de déci­sions dans ce domaine essen­tiel pour leurs dépla­ce­ments quo­ti­diens (domi­cile-tra­vail, sco­laire, loi­sirs). Néan­moins, l’i­ni­tia­tive de Fabien Aufrech­ter, maire de Ver­neuil-sur-Seine, reste inté­res­sante car elle per­met d’en­trou­vrir la cocotte-minute où bouillonne le res­sen­ti de la popu­la­tion ; celle-ci, res­tant scep­tique, demande des comptes aux acteurs du ser­vice public urbain.  Dans ce moment de clair­voyance, M. Aufrech­ter l’a sou­li­gné : cette réunion vous a don­né la parole et a per­mis aux acteurs et aux usa­gers d’é­chan­ger… sans plus.

A quoi sert GPS&O en matière de transports urbains ?

L’in­sa­tis­fac­tion pré­vaut dans tous les com­par­ti­ments du dos­sier Keo­lis Est, c’est-à-dire pour la mise en œuvre de l’offre de trans­ports en com­mun dans la par­tie est de Grand Paris Seine & Oise. Pour la majo­ri­té d’u­sa­gers, qui se sont expri­més sur les réseaux sociaux et lors des deux débats orga­ni­sés à Pois­sy et à Ver­neuil-sur-Seine, la désor­ga­ni­sa­tion du ser­vice carac­té­rise l’offre pro­po­sée par Keo­lis. Peu d’in­for­ma­tions fiables, peu de réac­tions après la date fati­dique du 9 mai et, sur­tout, limi­ta­tion de la des­serte dans cer­tains quar­tiers (de Ver­nouillet, de Ver­neuil et de Pois­sy). D’une manière struc­tu­relle, la délé­ga­tion de ser­vice public, dans cette DSP 34, souffre des maux clas­siques depuis la mise œuvre de la loi LOTI de 1982(3) :  des com­pé­tences diluées qui com­plexi­fient  la lisi­bi­li­té de la logique mise en œuvre par les auto­ri­tés com­pé­tentes et par l’o­pé­ra­teur en délé­ga­tion de ser­vice public (dans notre cas, Keo­lis). S’a­joute à cela l’in­com­pé­tence de GPS&O pour le sui­vi du dos­sier. La com­mu­nau­té urbaine ayant, seule­ment, affi­ché, sur son site Inter­net, de l’in­for­ma­tion cos­mé­tique et par­fois dépas­sée, ne joue pas son rôle dans ce domaine.

Chaos patent

Quant à la socié­té Keo­lis, depuis qu’elle a rem­pla­cé, en 2021, Trans­dev,  une entre­prise inter­na­tio­nale ayant des filiales dans 16 pays et ayant une expé­rience mon­diale, elle se targue de trans­por­ter 3 mil­liards de voya­geurs par an. Le défi DSP 34, qui  est local, serait à sa mesure selon ses décla­ra­tions dans les médias. Marie-Ange Debon, pré­si­dente du direc­toire de Keo­lis, avait misé, en février 2021, sur des stan­dards de haut niveau pour notre ter­ri­toire : son entre­prise allait « pro­po­ser une offre de trans­port de qua­li­té aux col­lec­ti­vi­tés et aux habi­tants des ter­ri­toires. [Ceci per­met­trait] à Keo­lis de deve­nir le pre­mier opé­ra­teur de trans­port public des Yve­lines »(4). Visi­ble­ment, la pro­messe n’a pas été tenue.  Jérôme Dupont, direc­teur de Keo­lis Seine et Oise Est, a défen­du son entre­prise et son modèle basé sur une cer­taine « cohé­rence glo­bale et cher­chant une har­mo­ni­sa­tion de moyens » ; pour lui, une cer­taine amé­lio­ra­tion advien­dra dans une constante recherche de retour de ter­rain. 

Jus­te­ment, lors de cette réunion du 25 mai, les témoi­gnages du « ter­rain » ont mon­tré l’é­chec du ser­vice public urbain dans le nord des Yve­lines. Pour­quoi faire tout à l’in­verse ? La popu­la­tion est consul­tée après et non pas avant. Quel sont les cri­tères des « son­dages » de satis­fac­tion ? La SNCF, par l’in­ter­mé­diaire de Phi­lippe Mou­ly, direc­teur des lignes LAJ, a expli­qué que la régu­la­ri­té, la ponc­tua­li­té sont de plus en plus mesu­rées. Les résul­tats effec­tués par des bureaux d’é­tudes atti­trés démontrent une nette amé­lio­ra­tion du ser­vice public. Si c’est le cas pour la SNCF, qu’en est-il pour la popu­la­tion des­ser­vie par Keo­lis ? Hélène Bec­quet d’IDF Mobi­li­tés a argu­men­té que « l’on est dans un pro­ces­sus d’a­mé­lio­ra­tion conti­nue ! » En outre, elle a expli­qué que le pro­ces­sus est en route : « On ana­lyse les récla­ma­tions. Des ajus­te­ments seront appor­tés lorsque des dys­fonc­tion­ne­ments seront avé­rés. » Admet­tons, mais cela équi­vaut à acquies­cer que l’on com­mence très bas ! En pre­nant le ver­ba­tim des deux réunions publiques, effec­tué par l’as­so­cia­tion Mobil’us, nous pou­vons obser­ver que le chaos paten­té carac­té­rise l’é­tat des lieux du ser­vice public du réseau de bus dans les com­munes concer­nées par le chan­ge­ment effec­tué à par­tir du 9 mai(5).

Signaux avant-coureurs du chaos « néolibéral »

Cepen­dant, dif­fé­rents signaux ont aler­té sur la dif­fi­cul­té de faire mieux avec une logique libé­rale de « moins-disant ». Certes, la logique euro­péenne de vou­loir impo­ser des trans­for­ma­tions des ser­vices publics se pour­suit depuis 40 ans avec des résul­tats miti­gés pour ne pas dire néga­tifs. Les syn­di­cats mai­son, lors des grèves d’oc­tobre 2022, avaient aver­ti le public yve­li­nois et les médias : Rama­zan Ozben, délé­gué syn­di­cal CFDT, avait sou­li­gné l’im­pact néfaste de ce choix en matière de DSP low-cost  : « Les éco­no­mies deman­dées par Keo­lis sont la tra­duc­tion d’un sys­tème moins-disant qui met la pres­sion sur les sala­riés. » Contac­té à nou­veau en 2023, il per­siste et signe : il s’agit de la preuve que Keo­lis a pro­po­sé un « ser­vice de trans­port public low-cost » et que cela va empi­rer.

L’a­na­lyse de la dif­fé­rence entre les deux can­di­dats à la DSP 34 montre que la sous-trai­tance est lar­ge­ment uti­li­sée par Keo­lis, que la sup­pres­sion de cadres inter­mé­diaires pour la prise de déci­sions empêche d’a­gir à des moments cri­tiques dans la ges­tion quo­ti­dienne du réseau, et sur­tout, que la pénu­rie struc­tu­relle de chauf­feurs (entre 14 et 20) confirme la pré­dic­tion du syn­di­cat CFDT. Cepen­dant, Keo­lis s’est défen­du en se posant comme vic­time du manque de moyens : « On n’a pas de moyens pour faire mieux ». Mal­gré tout l’ar­se­nal en com­mu­ni­ca­tion et en péda­go­gie, le fait est que Keo­lis « opti­mise les par­cours en fai­sant plus de kilo­mètres à moyens constants. » Cela résume la situa­tion actuelle : la mise en concur­rence du ser­vice public conduit à une réduc­tion du ser­vice et des moyens humains (moins de gui­chets, moins de méca­ni­ciens, tou­jours moins !).

En clair, le choix poli­tique des élec­tions régio­nales (2015 et 2021) a eu une impor­tance énorme dans les attri­bu­tions et les com­pé­tences en matière de trans­ports urbains. C’est la nou­velle pré­si­dence, conduite par Valé­rie Pécresse, qui avait annon­cé la cou­leur : éco­no­mies par­tout et, sur­tout, sur des inves­tis­se­ments à moyen et long termes. Ghis­laine Senée, conseillère régio­nale (EE-LV) d’op­po­si­tion, avait expli­ci­té les dan­gers de ce choix de DSP : « Le délé­ga­taire du ser­vice public, Keo­lis [qui avait empor­té l’appel d’offres en 2020] a semblé vou­loir ubé­ri­ser l’ensemble du per­son­nel pour faire des éco­no­mies. C’est inac­cep­table pour des rai­sons de jus­tice et de sécu­ri­té. D’abord, ces sala­riés ont don­né 20 à 25 ans de leur vie au sec­teur de trans­port ; en plus, ils assurent la sécu­ri­té des usa­gers ; enfin, la mise en concur­rence ne marche pas. » Pour cette oppo­sante à la pré­si­dente dans les ins­tances régio­nales, ce type de chaos devrait aler­ter l’ensemble de la popu­la­tion sur les évo­lu­tions pas­sées et en cours : « Il ne faut pas que les sala­riés soient per­dants lorsque les néo­li­bé­raux jouent avec le sys­tème social en France. »

Par ailleurs, lors de la réunion du 25 mai, un habi­tant a mis en ques­tion l’ex­pé­rience « glo­bale » de Keo­lis par une inter­ro­ga­tion pro­vo­ca­trice : « Pour­quoi avoir per­du le mar­ché [de DSP] à Ver­sailles ? » Selon cette per­sonne, en rai­son des défaillances connues par les connais­seurs du dos­sier : « Pas d’en­tre­tien des bus, sous-paie­ment des sala­riés, l’en­tre­prise ges­tion­naire doit être en res­pon­sa­bi­li­té de la main­te­nance des bus ».  Certes, les acteurs prin­ci­paux ont insis­té pour dire qu’au contraire tout allait s’a­mé­lio­rer.

Plus de concertation avec la population et de coordination entre acteurs

A quoi s’at­tendre dans les mois à venir ? Voi­là une ques­tion impor­tante pour les habi­tants-citoyens-contri­buables. Selon l’ap­proche choi­sie, les pers­pec­tives peuvent varier. En tant qu’­ha­bi­tants du ter­ri­toire, nous ne pou­vons qu’adhé­rer au choix de faire pres­sion et sur­tout de fédé­rer les actions conti­nues pour obli­ger Keo­lis et les autres acteurs du ser­vice public à « rendre les ser­vices publics » à leur juste niveau des besoins du quo­ti­dien. L’as­so­cia­tion Mobil’us semble avoir le pro­fil pour rem­plir cette mis­sion(6). Il pour­rait être utile de mettre en place un obser­va­toire « local » d’in­ci­dents et de retards du ser­vice Keo­lis ? Celui-ci pour­rait en infor­mer les acteurs qui devraient résoudre, à court terme, ces divers pro­blèmes ponc­tuels. En deuxième lieu, les citoyens devraient faire appel à leurs élus (maires, conseillers muni­ci­paux, com­mu­nau­taires, dépu­tés, séna­teurs…) pour expli­quer le chaos engen­dré par le choix de Keo­lis comme DSP et, sur­tout, les citoyens devraient s’im­pli­quer davan­tage pour mieux connaître les alter­na­tives à des poli­tiques publiques d’ordre néo­li­bé­ral. En troi­sième lieu, les contri­buables devraient s’in­ter­ro­ger sur le dogme d’une fis­ca­li­té « com­pé­ti­tive » qui conduit à ne pas mettre les moyens dans des ser­vices vitaux pour des besoins quo­ti­diens comme le trans­port et la san­té.

Sachant que les réponses peuvent varier selon la pers­pec­tive choi­sie, ce pro­blème de trans­port en com­mun ne dis­pa­raî­tra pas comme par miracle. C’est dans le désordre que l’on voit le résul­tat des choix anté­rieurs ; de ce fait, le chaos engen­dré par le choix de Keo­lis n’a rien de spec­ta­cu­laire (ou de nou­veau !) pour les connais­seurs du dos­sier. Enfin, plus de concer­ta­tion avec la popu­la­tion et plus de coor­di­na­tion entre les acteurs locaux, tout par­ti­cu­liè­re­ment avec les maires, ne pour­rait qu’ai­der à « mini­mi­ser le chaos paten­té » en matière de ser­vice de trans­port public dans le nord des Yve­lines.

Pho­to repor­tage de la réunion du 25 mai à Ver­neuil-sur-Seine :

Notes

1. https://www.journal-deux-rives.com/loffre-des-bus-entre-poissy-et-les-mureaux-change/

2. Etaient pré­sents, par ordre de prise de parole : Fabien Aufrech­ter, maire de Ver­neuil-sur-Seine, Phi­lippe Mou­ly, direc­teur des lignes tran­si­liens LAJ, Hélène Bec­quet, délé­guée ter­ri­to­riale IDF-Mobi­li­tés, Jérôme Dupont, direc­teur Keo­lis Seine et Oise Est.

3. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006068730

4. Lien vers l’ar­ticle du J2R : https://www.journal-deux-rives.com/keolis-participe-a-lamelioration-du-reseau-de-bus-de-gpso/

5.  https://mobilus78.jimdofree.com/2023/05/26/réunion-publique-à-verneuil-du-25–05/

6. Mobil’us est l’as­so­cia­tion des usa­gers et usa­gères des trans­ports publics et mobi­li­tés douces en Nord-Yve­lines. Autour de l’axe Conflans-Pois­sy-Les Mureaux, son objec­tif est d’ob­te­nir des mobi­li­tés acces­sibles et de qua­li­té. C’est une exi­gence d’éga­li­té citoyenne et avec un impact éco­lo­gique fort. https://mobilus78.jimdofree.com

LE PANIER DU MARCHÉ JOEL PICARD LES MERCREDI ET SAMEDI AU 74 RUE PAUL DOUMER À TRIEL-SUR-SEINE

RÉSERVATION LA VEILLE AVANT 15 HEURES AU
07 67 53 45 63 (cli­quez)

Share This
Verified by MonsterInsights