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Services publics de proximité : sortir du « catastrophisme » néolibéral

par | 29 juin 2022 | Éco­no­mie, Poli­tique

La fer­me­ture de la mater­ni­té du CHIMM de Meu­lan-en-Yve­lines et celle des urgences de Pois­sy inter­rogent sur le modèle éco­no­mique en vogue (DR)

Depuis mai 2022, le monde médi­cal alerte sur la situa­tion catas­tro­phique dans les hôpi­taux. Les confrères du site Inter­net Quar­tier géné­ral ont car­to­gra­phié les pos­sibles fer­me­tures des ser­vices d’ur­gences en France : 120 ser­vices avaient annon­cé être en manque de per­son­nel et de moyens. Com­ment sor­tir de cette impasse ?

A la mater­ni­té de Meu­lan-en-Yve­lines, la direc­tion déplore le manque de per­son­nel, notam­ment de sages-femmes ; dans le même esprit, les urgences de Pois­sy ont éga­le­ment été fer­mées pen­dant quelques jours afin de pous­ser les auto­ri­tés com­pé­tentes à réagir ; quelle a été la réac­tion de l’A­gence régio­nale de san­té ? Nous pou­vons nous inter­ro­ger !

Karl Olive (Ensemble), maire pour quelques jours encore avant de se consa­crer, entiè­re­ment, à sa fonc­tion de dépu­té de la Répu­blique, ten­tant de ras­su­rer le per­son­nel et la direc­tion, a sou­li­gné le « besoin de refon­der le sys­tème de san­té en France ».  M. le dépu­té n’a pas tort mais, d’a­bord, il faut mettre à jour le « logi­ciel intel­lec­tuel » des diri­geants du pays, notam­ment de ceux et celles de la haute admi­nis­tra­tion.

Quelle est la défi­ni­tion d’un ser­vice public de proxi­mi­té ? Selon Pierre Bau­by(1), ce concept recouvre plu­sieurs champs et ima­gi­naires : « Dans l’i­ma­gi­naire col­lec­tif, la notion du ser­vice public appa­raît en géné­ral indis­so­ciable de celle de pro­prié­té publique. » Cepen­dant, il est abu­sif de pen­ser ain­si : c’est plu­tôt la coexis­tence de mul­tiples ser­vices ren­dus par les sec­teurs public et pri­vé (La Poste et les ser­vices pri­vés du relais par exemple). C’est sur­tout, en France en par­ti­cu­lier, « l’his­toire d’un concept de ser­vice de proxi­mi­té à la popu­la­tion qui fait appel à des réfé­rences juri­diques, sociales et poli­tiques dans les ima­gi­naires sociales ». En outre, c’est un concept à carac­tère poly­sé­mique, voire « fourre-tout » que révèlent les oscil­la­tions entre l’emploi du sin­gu­lier et celui du plu­riel pour rendre compte de son carac­tère consen­suel.

Dans la pra­tique, il faut dis­tin­guer le don­neur d’ordre ou l’au­to­ri­té orga­ni­sa­trice (four­nis­seur juri­dique) d’un ser­vice à la popu­la­tion de la forme d’or­ga­ni­sa­tion de ce ser­vice (en régie, en délé­ga­tion de ser­vice public), etc.

A la fin des années 1980, la vague that­che­rienne de pri­va­ti­sa­tion de tous les sec­teurs de l’é­co­no­mie a conduit à une mise en ques­tion de cette accep­tion : tout devrait être refor­mé à la sauce néo­li­bé­rale parce que, comme on nous l’a­vait fait croire, elle serait géné­ra­trice d’ef­fi­ca­ci­té, de ratio­na­lisme et de moder­nisme. En termes concrets, la concur­rence est entrée par la grande porte de l’é­cole des élites : presque la tota­li­té des diri­geants et des fonc­tion­naires n’ont juré que par ce dogme de concur­rence entre les enti­tés et, par­fois, entre les ser­vices. L’un des écueils de cette vague  néo­li­bé­rale a été la cor­rup­tion, mise en évi­dence par l’af­faire de la Lyon­naise des eaux à Grenoble,avec les agis­se­ments de l’an­cien dépu­té-maire, Alain Cari­gnon(2).

Par ailleurs, les com­pa­rai­sons entre les coûts et les ser­vices ren­dus (bench­marks) ont fait des dégâts concrets que l’on voit dans les ser­vices de san­té et d’en­tre­prises natio­nales, telels que la Poste et la SNCF,qui doit faire face à une concur­rence euro­péenne.

Jus­te­ment, l’U­nion euro­péenne avait, dans les années 1990, intro­duit une clause « pour la pro­mo­tion des ser­vices d’in­té­rêt géné­ral. » Celle-ci a pro­duit l’ou­trance de la « concur­rence libre et loyale » dans le réfé­ren­dum consti­tu­tion­nel de 2005.  Le sec­teur « semi-public/­pri­vé » avait été affai­bli en France. Ain­si, la boucle est bou­clée. La concen­tra­tion des ser­vices sur des sec­teurs « ren­tables » a été saillante dans les années 2000. Nous y sommes : les EHPAD, les cli­niques pri­vées, les auto­routes et les ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tion illus­trent bien cet oli­go­pole. Ils sont oubliés dans dans les ter­ri­toires peu acces­sibles ou moins peu­plés, où il sont le moins ren­tables !  Des ser­vices aban­don­nés sont légion, notam­ment des gares SNCF et des bureaux pos­taux, sur­tout dans des zones délais­sés par la métro­po­li­sa­tion mon­dia­li­sée. Voi­là l’im­passe.

Suite aux élec­tions légis­la­tives de juin 2022, tout est à refaire, comme le dit le dépu­té Karl Olive, mais pas à la sauce néo­li­bé­rale. La dépense publique, que l’on veuille ou non, est néces­saire ; elle est un indi­ca­teur d’interventionnisme à l’é­chelle natio­nale, régio­nale ou locale. Finan­cer ces dépenses impose une réflexion sur les finances publiques et sur­tout sur les moyens de payer direc­te­ment ou indi­rec­te­ment ces charges. Le « pognon » existe dans les mul­ti­na­tio­nales qui font des pro­fits énormes en Europe, par­ti­cu­liè­re­ment en France. Pour­quoi les exemp­ter de cet effort puisque ce sont elles qui pro­voquent inva­ria­ble­ment la chute des ser­vices publics en géné­ral. Les ser­vices de proxi­mi­té doivent être assu­rés par une sorte de pacte entre les trois éche­lons. Jus­te­ment, les inter­com­mu­na­li­tés pour­raient jouer un rôle (de chef d’or­chestre) et ceci pose la ques­tion, à nou­veau, des avan­tages et des incon­vé­nients de la décen­tra­li­sa­tion. Est-elle tou­jours à la hau­teur des espé­rance ?

Enfin, quel que soit l’é­tat catas­tro­phique des ser­vices publics, c’est aux citoyens de reven­di­quer une par­celle dans le pro­ces­sus de déci­sion par des péti­tions ou par une pres­sion exer­cée sur les auto­ri­tés com­pé­tentes et les légis­la­teurs. Il est temps de remé­dier aux maux de la libé­ra­li­sa­tion à outrance, notam­ment dans des sec­teurs non ren­tables, voire non mar­chands. C’est cette remise en ques­tion de dogmes qui per­met­tra de four­nir des ser­vices de proxi­mi­té à la popu­la­tion de nos com­munes.

Notes

1. Le ser­vice public, Pierre Bau­by, Domi­nos Flam­ma­rion, 1997, 128 pages

2. Comme un pois­son dans l’eau – La Lyon­naise et la Géné­rale des eaux troubles, Fabien Per­uc­ca et Gérard Pou­ra­dier, Trans­pa­rence, 1995, 202 pages.

 

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