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Quand les politiques nous faisaient rire (essai)

par | 2 décembre 2021 | Culture, Poli­tique

Les anciens ont bien pro­fi­té de leur humour. (DR)

Il n’y a pas que la langue de bois, la pan­dé­mie et les pénibles redites de la pré-cam­pagne élec­to­rale pour égailler notre quo­ti­dien média­tique. Voi­ci un livre qui nous pro­pose l’évasion avec un inven­taire déso­pi­lant de répar­ties et de mots d’esprit que l’auteur a gla­nés tout au long de son long par­cours poli­tique.

Répliques improvisées

L’hu­mour est un art en poli­tique et Jean-Louis Debré, l’auteur de l’ou­vrage Quand les poli­tiques nous fai­saient rire le pra­tique lui-même avec grand talent. Il nous livre ain­si un flo­ri­lège déso­pi­lant de répliques et de bons mots gla­nés tout au long de son long par­cours. Chas­sons la sinis­trose que les médias nous véhi­culent, à tra­vers leurs antennes, par une lec­ture qui mène rapi­de­ment du sou­rire com­plice jusqu’à la franche rigo­lade. Jadis, l’i­ro­nie et l’hu­mour étaient des armes fré­quem­ment uti­li­sées par les poli­tiques pour désta­bi­li­ser un adver­saire, évi­ter de répondre à un jour­na­liste, convaincre et séduire l’o­pi­nion. De Gaulle, Mit­ter­rand, Chi­rac étaient des orfèvres en la matière.

Au Par­le­ment, la petite phrase bien cise­lée, per­cu­tante, qui déclenche des rires, marque l’au­di­toire mieux qu’un long dis­cours. Ain­si, Georges Cle­men­ceau lan­çant « Vous n’êtes pas le bon Dieu ! » à Jean Jau­rès qui lui répond « Et vous, vous n’êtes même pas le diable ! ».  Et Cle­men­ceau de ripos­ter « Qu’en savez-vous ? » Le dépu­té André San­ti­ni a fait mouche un jour avec cette for­mule irré­sis­tible à pro­pos du pri­mat des Gaules : « Mgr Decour­tray n’a rien com­pris au pré­ser­va­tif. La preuve : il le met à l’in­dex ! ».

Bonne santé démocratique

Rem­pla­çant la langue de bois et l’invective qui font le ter­reau des com­men­ta­teurs en mal d’idées, ces traits d’es­prit se révèlent sou­vent d’une redou­table effi­ca­ci­té, mais il peut aus­si arri­ver que les argu­ments aux­quels ont recours les ora­teurs fassent rire à leurs dépens. Tel ce dépu­té qui se plai­gnait que dans son dépar­te­ment il n’y ait que trois abat­toirs, ce nombre étant très « insuf­fi­sant » pour deux cent mille habi­tants. À tra­vers ce livre, qui four­mille d’a­nec­dotes et de choses vues, l’au­teur montre à quel point l’hu­mour est un signe de bonne san­té de notre vie démo­cra­tique car « Il n’y a pas si long­temps, on pou­vait rire de tout… », rap­pelle-t-il en déplo­rant que ce ne soit plus le cas de nos jours. Heu­reu­se­ment, Jean-Louis Debré per­siste et signe, quant à lui, dans le registre du bon mot, de l’au­to­dé­ri­sion et de la saillie ver­bale. Il regrette le fait qu’on ne puisse plus rire comme autre­fois, même en poli­tique. S’il y a des sujets tabous ou à évi­ter, finie aus­si la mau­vaise fois assu­mée, comme celle du radi­cal Edgar Faure. Lors­qu’on lui repro­chait de trop sou­vent retour­ner sa veste, il répon­dait “Ce n’est pas la girouette.. mais c’est le vent qui tourne !”.  Aujourd’hui, le vent tourne sou­vent !

Ironie et/ou humour

L’auteur, qui est pour ses visi­teurs et ses amis un conteur de grand talent, nous pro­pose un flo­ri­lège de cita­tions, de bons mots, de répar­ties et d’anecdotes repla­cées habi­le­ment dans le contexte ou la pers­pec­tive du public, du lieu et du moment où leurs dif­fé­rents locu­teurs ont pris la parole. C’est une magis­trale démons­tra­tion que l’ironie et l’humour consti­tuent un art en poli­tique. Ces formes de joutes ver­bales sont « des armes fré­quem­ment uti­li­sées par les poli­tiques pour désta­bi­li­ser un adver­saire, évi­ter de répondre à la ques­tion pré­ma­tu­rée ou gênante d’un jour­na­liste, convaincre et séduire l’opinion ».

Au fil des pages, Jean-Louis Debré nous montre que de nom­breux par­le­men­taires, ministres et pré­si­dents de la Répu­blique ont pra­ti­qué l’humour avec dex­té­ri­té. Le géné­ral de Gaulle, Valé­ry Gis­card d’Estaing et Jacques Chi­rac étaient même des « orfèvres en la matière ». Si l’humour est donc bien un art en poli­tique, dans une récente inter­view au Figa­ro, Jean-Louis Debré estime que le rire tend à dis­pa­raître et que c’est ce qui manque aujourd’hui à la poli­tique car « la capa­ci­té de rire et l’humour sont fédé­ra­teurs, semeurs d’optimisme et d’unité. Le drame aujourd’hui, c’est que le rire n’existe plus… », car les réseaux sociaux « hys­té­risent la vio­lence » et le niveau poli­tique est en chute libre. On n’improvise presque plus, et le débat a été « tota­le­ment assé­ché » par le chan­ge­ment même du métier de dépu­té, qui « ne consiste plus qu’à lire ce que d’autres ont écrit pour lui […] Ils n’ont pas com­pris que le rire était une arme, une arme poli­tique redou­table pour désta­bi­li­ser l’adversaire, mais aus­si pour ras­sem­bler des foules ». Tou­te­fois, aujourd’hui, le geste impro­vi­sé rem­place le dis­cours et le doigt bien que muet devient élo­quent !

Sobriquets et lapsus

Nos­tal­gique des joutes ver­bales du temps de Cle­men­ceau ou Jau­rès, « quand ça fusait de par­tout », Jean-Louis Debré col­lecte dans cet essai les décla­ra­tions his­to­riques d’illustres oubliés, notam­ment « le cochon est la vache à lait de la France », et nous amuse des « hol­lan­dises » du pré­sident dont l’un de ses meilleurs sketchs fut son esca­pade en scoo­ter ! Jean-Louis Debré recense aus­si les sobri­quets méchants : « capi­taine de péda­lo dans la sai­son des tem­pêtes » (Mélen­chon à pro­pos de Fran­çois Hol­lande) ; « bar­reur de petit temps » (Roland Dumas sur Michel Rocard). Il épingle les coups bas, tels que celui-ci de Jacques Chi­rac :  « [Sar­ko­zy,] il faut lui mar­cher des­sus, ça porte bon­heur ». Tou­te­fois, l’auteur sou­ligne la folle résis­tance de l’humour invo­lon­taire : le lap­sus. Il nous en donne quelques exemples mémo­rables  :  Cécile Duflot qui, lors d’une confé­rence de presse avec Daniel Cohn-Ben­dit en 2010, a décla­ré « Nous avons beau­coup réflé­chi en amants… » ; Fran­çois Fillon avec son « gaz de shit » ; Édouard Bal­la­dur qui pro­po­sait de pra­ti­quer la tech­nique du « bouche-à-bouche » plu­tôt que du bouche-à-oreille ;  Rachi­da Dati par­lant de « fel­la­tion qua­si nulle » ; un dépu­té du Val-de-Marne s’ex­cla­mant « Mon­sieur le Ministre, dur­cis­sez votre sexe ! ».

Dans ce début de pré-cam­pagne d’une désar­mante aus­té­ri­té (quoique !), ce livre réveille notre hila­ri­té en nous révé­lant que les poli­tiques nous font et nous feront encore sou­vent rire.

C. s. B.

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