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La langue française, mise à mal pendant la crise sanitaire

par | 17 mai 2020 | Culture

Dans la période du confi­ne­ment, alors que l’exer­cice de la dic­tée a été très pra­ti­qué, nous avons pu voir que notre langue était mal maî­tri­sée et qu’elle avait subi divers « outrages ».

Nous avons rele­vé des angli­cismes inutiles, un néo­lo­gisme affreux, des expres­sions inadap­tées, de mul­tiples fautes des inter­nautes et, même, du gou­ver­ne­ment !

Pour occu­per leur temps de nom­breux citoyens, plus ou moins jeunes, ont fait des dic­tées en ligne et à la télé­vi­sion pen­dant leur confi­ne­ment. C’est ce qu’ont remar­qué divers médias, notam­ment 20 minutes, qui a com­men­cé ain­si son article(1) : « Feuille et sty­lo en main devant l’écran ! Depuis le début du confi­ne­ment, les Fran­çais ont révi­sé comme jamais leurs règles de gram­maire et d’orthographe. Plus d’1,75 mil­lion d’amoureux de la langue fran­çaise ont sui­vi la dic­tée lue par Edouard Baer dans l’émission Tous prêts pour la dic­tée ce mer­cre­di après-midi sur France 3. Les redif­fu­sions des mythiques dic­tées de Ber­nard Pivot sur la page Face­book de l’INA ont séduit de nom­breux inter­nautes tout comme La Dic­tée géante de l’écrivain Rachid San­ta­ki. Pour­quoi un tel engoue­ment pour cet exer­cice beau­coup redou­té à l’école pen­dant le confi­ne­ment ? ». C’est un exer­cice qu’au­raient dû faire des jour­na­listes, de nom­breux inter­nautes et, même, des rédac­teurs de com­mu­ni­qués du gou­ver­ne­ment.

La crise sanitaire en quelques mots

Clus­ter
Pen­dant quelques jours, des jour­na­listes se sont “gar­ga­ri­sés” avec ce mot, pen­sant qu’il leur don­ne­rait un air de “sachant” à défaut d’être savant. Après quelques jours, ils se sont ren­du compte que ce mot, signi­fiant cou­ram­ment groupe, regrou­pe­ment ou ensemble, avait un excellent équi­valent fran­çais dans le contexte d’une pan­dé­mie : foyer (de conta­gion). Dans la der­nière semaine du confi­ne­ment, ce terme est, néan­moins, réap­pa­ru.

Notre inter­com­mu­na­li­té GPS&O uti­lise un mot voi­sin pour nom­mer des regrou­pe­ments d’entreprises et de loge­ments à proxi­mi­té des moyens de trans­port : des hubs qui, de plus, sont multimodaux(2) ! A l’origine, ce terme, dési­gnant déjà des concen­tra­teurs dans des réseaux infor­ma­tiques et des plates-formes d’aéroport, signi­fie « moyeu » ou « pivot » en anglais.

Pré­sen­tiel
Ce mot qui vient de se répandre dans notre lan­gage serait le contraire de télé­tra­vail ou de réunion à dis­tance. Ceux qui peuvent rejoindre leur bureau après le confi­ne­ment exé­cu­te­ront, à nou­veau, leurs tâches pro­fes­sion­nelles en pré­sen­tiel !

Ce terme, par­fai­te­ment inutile, vient du jar­gon des entre­prises, par­ti­cu­liè­re­ment dans le domaine de la for­ma­tion. Autre­fois, les orga­nismes spé­cia­li­sés pro­po­saient des cours sur place ou par cor­res­pon­dance ; aujourd’hui, leurs ses­sions sont en mode pré­sen­tiel ou dis­tan­ciel.

Dis­tan­cia­tion sociale
Alors que nous avons dû, pen­dant la période de confi­ne­ment, main­te­nir les liens sociaux, des tech­no­crates nous ont impo­sé cette expres­sion, bien que le sens propre du mot “dis­tance” se com­prenne bien sans l’adjonction d’un qua­li­fi­ca­tif.

« Dis­tan­cia­tion sociale est une expres­sion mal­ve­nue. En anglais, social a gar­dé son sens éty­mo­lo­gique. En fran­çais à par­tir de 1830, il a pris une signi­fi­ca­tion poli­tique », a expli­qué le lin­guiste Ber­nard Cer­qui­gli­ni. On parle de « ques­tion sociale », de « pré­oc­cu­pa­tions sociales » ou encore, de « mou­ve­ment social ». Edouard Phi­lippe, qui s’est aper­çu que cette expres­sion, cal­quée de l’anglais, était inadé­quate, en a uti­li­sé une autre : “dis­tan­cia­tion phy­sique” ; il n’a pas été una­ni­me­ment sui­vi, les médias ayant lar­ge­ment dif­fu­sé l’adjectif “social”. Nous pou­vons main­te­nir un lien avec les autres, un lien social, tout en res­tant phy­si­que­ment dis­tant.

Réou­ver­ture et rou­vrir
Ces deux mots sont très uti­li­sés à l’oc­ca­sion de la ren­trée de cer­tains éco­liers et de la réou­ver­ture des com­merces et de divers lieux publics. L’infinitif du verbe qui signi­fie “ouvrir de nou­veau ce qu’on avait fer­mé ou ce qui était fer­mé” n’est pas “réou­vrir” mais ”rou­vrir”. Vous ne deviez pas dire que « l’école et votre salon de coif­fure vont rou­vrir », car ce verbe tran­si­tif néces­site un com­plé­ment. Des expres­sions cor­rectes sont « Ils vont rou­vrir leurs portes » ou « Ils seront rou­verts ».

Tra­cing et tra­cking
Encore des angli­cismes qui auraient pu déjà s’imposer en France si l’application “Stop­Co­vid”, pro­mue par le gou­ver­ne­ment, avait été prête. Pour beau­coup, le décon­fi­ne­ment devrait être accom­pa­gné d’un sui­vi strict de la popu­la­tion afin de signa­ler rapi­de­ment les per­sonnes conta­mi­nées et celles qui ont pu entrer en contact avec le virus. C’est le rôle de cette appli­ca­tion déve­lop­pée par l’Institut natio­nal de recherche en sciences et tech­no­lo­gies du numé­rique (INRIA). Le tra­cing, pri­vi­lé­gié en Europe, consiste à conser­ver en mémoire les contacts entre les per­sonnes au moyen de la fonc­tion Blue­tooth de leurs smart­phones, alors que le tra­cking, adop­té dans les pays asia­tiques, est un sui­vi des dépla­ce­ments via la fonc­tion GPS des smart­phones et les antennes-relais.

Certes, une par­tie du logi­ciel a été déve­lop­pées par deux entre­prises amé­ri­caines pré­do­mi­nantes, Apple et Google. Ce n’est pas une rai­son pour ne pas uti­li­ser des mots de notre langue : « sui­vi des contacts » et « tra­çage » !

De trop nombreuses fautes de langage !

Dans les écrits des inter­nautes

La période du confi­ne­ment a été pro­pice à de nom­breux échanges numé­riques. Sur les réseaux sociaux, notam­ment Face­book, beau­coup ont accru le nombre et la fré­quence de leur publi­ca­tions. Tou­te­fois, la plu­part ne semblent pas faire l’ef­fort de lire et de relire les textes qu’ils nous livrent, bour­rés de fautes. A part les nom­breuses fautes d’accord, la plus fré­quente est la confu­sion des fins de verbes, entre les formes de l’infinitif (er), du pas­sé (é) et même, par­fois, de l’impératif (ez). Tou­te­fois, la faute la plus hor­ri­fique, ren­con­trée récem­ment, est la confu­sion des plu­riels : la ter­mi­nai­son “ent” uti­li­sée à la place de “s”, à pro­pos de pho­tos qui ont été prisent.

Dans la com­mu­ni­ca­tion gou­ver­ne­men­tale

Nous ter­mi­nons par un com­mu­ni­qué offi­ciel, dont le rédac­teur n’a pas cor­rec­te­ment véri­fié la for­mu­la­tion. De plus, le minis­tère char­gé de la San­té et San­té publique France semblent ne pas dis­po­ser de relec­teurs-cor­rec­teurs, qui auraient pu effec­tuer leur tâche en télé­tra­vail. Leur vidéo “Alerte Coro­na­vi­rus”, qui est dif­fu­sée, en per­ma­nence, depuis le début de la crise sani­taire pour rap­pe­ler les gestes-bar­rières, contient deux fautes.

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