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Enquête auprès des lycéens sur la laïcité et la place des religions à l’école et dans la société

par | 3 mars 2021 | Poli­tique, Socié­té

Les lycéens d’au­jourd’­hui sou­tiennent-ils les choix de Samuel Paty ? (J2R)

Al’oc­ca­sion du numé­ro spé­cial de Droit de Vivre consa­cré à la laï­ci­té, la LICRA a com­man­dé à l’I­FOP une enquête per­met­tant de mieux cer­ner la place que les lycéens accordent aujourd’­hui à la reli­gion, le sens qu’ils donnent à la laï­ci­té dans l’en­ceinte sco­laire mais aus­si leur point de vue sur le droit de blas­phé­mer à la manière d’un jour­nal sati­rique comme Char­lie Heb­do.

Pour cela, l’I­FOP a mis en place un dis­po­si­tif d’é­tude d’en­ver­gure per­met­tant de mesu­rer la spé­ci­fi­ci­té de la popu­la­tion lycéenne sur ces sujets, à tra­vers des indi­ca­teurs offrant des com­pa­rai­sons avec le point de vue de l’en­semble des Fran­çais majeurs ; il a aus­si ana­ly­sé cer­taines variables pou­vant influen­cer leur rap­port à la laï­ci­té comme leur affi­lia­tion reli­gieuse, leur degré de reli­gio­si­té ou leur évo­lu­tion dans cer­tains contextes sco­laires (par exem­pel, l’é­du­ca­tion prio­ri­taire, l’en­sei­gne­ment pro­fes­sion­nel).

Cette enquête menée auprès d’un échan­tillon repré­sen­ta­tif d’un mil­lier de lycéens, consti­tué à par­tir des der­nières don­nées minis­té­rielles (RERS 2020), montre que la popu­la­tion sco­la­ri­sée dans le second cycle du second degré appa­raît impré­gnée d’une vision très « inclu­sive » de la laï­ci­té ; celle-ci y est réduite au prin­cipe de neu­tra­li­té de l’É­tat tout en étant asso­ciée à une grande tolé­rance à l’é­gard des mani­fes­ta­tions de reli­gio­si­té dans l’es­pace sco­laire (par exemple, le voile). Par­mi ces jeunes, tout par­ti­cu­liè­re­ment les lycéens musul­mans et ceux sco­la­ri­sés dans les zones d’é­du­ca­tion prio­ri­taire (REP) se dis­tinguent aus­si par leur hos­ti­li­té à toute cri­tique sus­cep­tible de heur­ter la sus­cep­ti­bi­li­té des mino­ri­tés.

Les chiffres clés de l’enquête

1. Des jeunes majo­ri­tai­re­ment favo­rables au port du voile dans les lycées

Pour la pre­mière fois une enquête montre que les lycéens sont majo­ri­tai­re­ment favo­rables au port de tenues reli­gieuses dans les lycées publics : les signes reli­gieux osten­sibles (voile, kip­pa…) y sont désor­mais sou­te­nus par plus d’un lycéen sur deux (52 %), soit une pro­por­tion deux fois plus grande que dans la popu­la­tion adulte (25 %).

Cette adhé­sion à l’ex­pres­sion reli­gieuse des élèves dans l’es­pace sco­laire semble en hausse si on se fie aux don­nées de l’en­quête RED­Co(1)(2006–2009) qui mon­trait qu’il y a une quin­zaine d’an­nées cette idée était encore majo­ri­tai­re­ment reje­tée (à 58 %) par les élèves de 14–16 ans.

Ce hia­tus entre les lycéens et le reste de la popu­la­tion se retrouve dans leur net sou­tien au port de tenues reli­gieuses par des parents accom­pa­gna­teurs : à 57 %, contre 26 % chez l’en­semble des Fran­çais.

2. Une vision très « ouverte » et dépo­li­ti­sée de la laï­ci­té

Contrai­re­ment à leurs aînés, les lycéens ne l’as­so­cient pas à une forme d’an­ti­clé­ri­ca­lisme. En effet, ils se dis­tinguent par leur rejet de l’i­dée selon laquelle la laï­ci­té consis­te­rait à « faire recu­ler l’in­fluence des reli­gions dans la socié­té » : seuls 11 % d’entre eux par­tagent ce point de vue, soit deux fois moins que chez l’en­semble des Fran­çais âgés de 18 ans et plus (26 %).

À l’in­verse, ils affichent leur pré­fé­rence pour une vision assez mini­ma­liste de la laï­ci­té, en l’as­so­ciant en prio­ri­té à un trai­te­ment égal des dif­fé­rentes reli­gions (à 29 %, soit 10 points de plus que chez l’en­semble des Fran­çais).

II est inté­res­sant de noter que cette asso­cia­tion de la laï­ci­té à l’ab­sence de dis­cri­mi­na­tion entre les croyants est par­ti­cu­liè­re­ment forte dans les rangs des adeptes des reli­gions mino­ri­taires (38 %), notam­ment les élèves de confes­sion musul­mane (37 %), mais aus­si d’autres caté­go­ries sou­vent plus expo­sées aux dis­cri­mi­na­tions comme les per­sonnes per­çues comme « non blanches » (42 %).

3. Des lois « laïques » per­çues par beau­coup comme dis­cri­mi­na­toires envers les musul­mans

Les accu­sa­tions de « musul­ma­no­pho­bie » por­tées depuis des années envers les lois asso­ciées (1905, 2004) ou appa­ren­tées (2010) à la laï­ci­té n’en imprègnent pas moins for­te­ment les repré­sen­ta­tions que se font les jeunes de ces dis­po­si­tifs légis­la­tifs.

Sans être encore majo­ri­taire, l’é­ti­quette dif­fa­mante d”« isla­mo­pho­bie » colle ain­si à ces grandes lois au point qu’un nombre éle­vé de lycéens (37 %) les jugent désor­mais dis­cri­mi­na­toires envers les musul­mans.

Ce sen­ti­ment n’est pas l’a­pa­nage des musul­mans (81 %) : il est éga­le­ment par­ta­gé par beau­coup d’é­lèves sco­la­ri­sés en zone d’é­du­ca­tion prio­ri­taire (55 %), en lycée pro­fes­sion­nel (43 % en bac pro) ou se per­ce­vant par les autres comme « non blancs » (64 %).

4. Un « droit au blas­phème » reje­té par une (courte) majo­ri­té de lycéens

Récem­ment remise sur le devant de la scène par l’af­faire Mila (2020), le « droit au blas­phème » clive pro­fon­dé­ment une opi­nion lycéenne qui penche contre ce droit pour­tant acquis depuis plus d’un siècle (1881) : 52 % des lycéens contestent la liber­té de se mon­trer irres­pec­tueux vis-à-vis une reli­gion, soit un taux légè­re­ment supé­rieur que pour l’en­semble des Fran­çais (50 %).

Cette ques­tion du « droit au blas­phème » met sur­tout en lumière le cli­vage exis­tant sur ce sujet entre les musul­mans et le reste de cette jeu­nesse sco­la­ri­sée dans le second degré. En effet, si les jeunes musul­mans s’op­posent mas­si­ve­ment (à 78 %) au droit d’ou­tra­ger une reli­gion, tout comme les per­sonnes per­çues comme « non blanches » (à 65 %) ou habi­tant dans les ban­lieues popu­laires (à 60 %), ce n’est le cas que d’une mino­ri­té de catho­liques (45 %), d’é­lèves sans reli­gion (47 %) ou non sco­la­ri­sés en REP (44 %).

Les principaux enseignements de l’enquête

Des jeunes majo­ri­tai­re­ment favo­rables au port du voile dans les lycées

Si l’on observe depuis long­temps une plus grande réti­cence de la jeu­nesse à la pro­hi­bi­tion des signes reli­gieux, c’est la pre­mière fois qu’une enquête montre que les lycéens sont majo­ri­tai­re­ment favo­rables au port de tenues reli­gieuses dans les lycées publics. Le port de signes reli­gieux osten­sibles (voile, kip­pa…) par les élèves dans les lycées publics s’a­vère ain­si sou­te­nu par plus d’un lycéen sur deux (52 %), soit une pro­por­tion deux fois plus grande que dans la popu­la­tion adulte (25 %).

Cette adhé­sion à l’ex­pres­sion reli­gieuse des élèves dans l’es­pace sco­laire semble en hausse si on se fie aux don­nées de l’en­quête RED­Co(1) (2006–2009) qui mon­trait qu’il y a une quin­zaine d’an­nées, cette idée était majo­ri­tai­re­ment reje­tée (à 58 %) par les élèves de 14–16 ans. Ce hia­tus entre les lycéens et le reste de la popu­la­tion se retrouve dans leur net sou­tien au port de tenues reli­gieuses par des parents accom­pa­gna­teurs (à 57 %, contre 26 % chez l’en­semble des Fran­çais), mais aus­si dans leur adhé­sion beau­coup plus forte à leur port par les agents du ser­vice public : 49 % des lycéens y étant favo­rables pour des poli­ciers ou des ensei­gnants (contre 21 % chez l’en­semble des Fran­çais), signe d’une faible impré­gna­tion des prin­cipes de neu­tra­li­té fixés à la fonc­tion publique depuis 1905.

Met­tant plus direc­te­ment le doigt sur la ques­tion de l’is­lam et des injonc­tions à la pudeur pesant sur les femmes, le port du « bur­ki­ni » lors des cours de nata­tion n’est, lui, sou­te­nu que par une mino­ri­té de lycéens mais avec, là aus­si, un degré d’ac­cep­tion net­te­ment plus éle­vé (38 %) que dans la popu­la­tion adulte (24 %). Dans tous les cas, ces indi­ca­teurs mettent tous bien en exergue un très net cli­vage géné­ra­tion­nel sur la ques­tion des tenues reli­gieuses dans l’es­pace sco­laire, mais aus­si un cli­vage entre les lycéens musul­mans et les autres.

Une vision très « ouverte » et dépo­li­ti­sée de la laï­ci­té

Pour les lycéens, la laï­ci­té consti­tue avant tout un cadre juri­dique des­ti­né à assu­rer la sépa­ra­tion du reli­gieux du poli­tique, la liber­té de conscience et l’é­ga­li­té entre les reli­gions. Contrai­re­ment à leurs aînés, ils ne l’as­so­cient pas à une forme d’an­ti­clé­ri­ca­lisme.

En effet, les lycéens se dis­tinguent par leur rejet de l’i­dée selon laquelle la laï­ci­té consis­te­rait à « faire recu­ler l’in­fluence des reli­gions dans la socié­té » : seuls 11 % d’entre eux par­tagent ce point de vue, soit deux fois moins que chez l’en­semble des Fran­çais âgés de 18 ans et plus (26 %). À l’in­verse, ils affichent leur pré­fé­rence pour une vision assez mini­ma­liste de la laï­ci­té en l’as­so­ciant en prio­ri­té à un trai­te­ment égal des dif­fé­rentes reli­gions (à 29 %, soit 10 points de plus que chez l’en­semble des Fran­çais). Il est inté­res­sant de noter que cette asso­cia­tion de la laï­ci­té à l’ab­sence de dis­cri­mi­na­tion entre les croyants est par­ti­cu­liè­re­ment forte dans les rangs des adeptes des reli­gions mino­ri­taires (38 %), notam­ment les élèves de confes­sion musul­mane (37 %), mais aus­si d’autres caté­go­ries sou­vent plus expo­sées aux dis­cri­mi­na­tions telles que les per­sonnes per­çues comme « non blanches » (42 %) ou rési­dant dans des ban­lieues popu­laires (37 %).

Cette lec­ture lit­té­rale de la laï­ci­té fixée par la loi de 1905 va de pair avec une faible poli­ti­sa­tion du concept : les deux tiers des jeunes inter­ro­gés (68 %) estiment que la laï­ci­té ne se rat­tache à « aucun cou­rant » idéo­lo­gique par­ti­cu­lier, contre 16 % qui l’as­so­cient à la gauche, 8 % au centre et 8 % à la droite. Ain­si, son asso­cia­tion à l’ex­trême droite, de l’ordre du pos­sible depuis que le RN s’est empa­ré du sujet dans une logique « musul­ma­no­phobe », reste donc mar­gi­nale, y com­pris chez les musul­mans (4 %).

Des lois « laïques » per­çues par beau­coup comme dis­cri­mi­na­toires envers les musul­mans
Les accu­sa­tions de « musul­ma­no­pho­bie » por­tées depuis des années envers les lois asso­ciées (1905, 2004) ou appa­ren­tées (2010) à la laï­ci­té n’en imprègnent pas moins for­te­ment les repré­sen­ta­tions que se font les jeunes de ces dis­po­si­tifs légis­la­tifs. Dans un contexte mar­qué par un ren­for­ce­ment de la laï­ci­té au sein de l’ins­ti­tu­tion sco­laire, via des ini­tia­tives comme la Charte de la laï­ci­té (2013), le Vade-mecum pour la laï­ci­té (2018), le Conseil des sages (2018) ou les équipes Valeurs de la Répu­blique, on ne peut que consta­ter l’im­pact des dis­cours décri­vant par exemple la loi de 2004 comme une loi de « ségré­ga­tion » anti­mu­sul­mans (Edwy Ple­nel, jan­vier 2015) et, depuis son vote, un « dur­cis­se­ment des mesures dis­cri­mi­na­toires contre la popu­la­tion musul­mane(2)».

Sans être encore majo­ri­taire, l’é­ti­quette dif­fa­mante d”« isla­mo­pho­bie » colle ain­si à ces grandes lois au point qu’un nombre éle­vé de lycéens (37 %) les jugent désor­mais dis­cri­mi­na­toires envers les musul­mans. Ce sen­ti­ment n’est pas l’a­pa­nage des musul­mans (81 %) : il est éga­le­ment par­ta­gé par beau­coup d’é­lèves sco­la­ri­sés en zone d’é­du­ca­tion prio­ri­taire (55 %), en lycée pro­fes­sion­nel (43 % en bac pro) ou se per­ce­vant par les autres comme « non blancs » (64 %). Déjà obser­vée par Oli­vier Gal­land et Anne Muxel dans leur enquête auprès des lycéens en 2016(3), tout par­ti­cu­liè­re­ment dans les lycées très popu­laires et à forte pro­por­tion de jeunes d’o­ri­gine étran­gère, cette « soli­da­ri­té » de seg­ments non musul­mans de la popu­la­tion lycéenne serait d’a­près Oli­vier Gal­land le pro­duit d’un « phé­no­mène d’ac­cul­tu­ra­tion leur fai­sant rejoindre les opi­nions de leurs cama­rades musul­mans lorsque ceux-ci sont très repré­sen­tés dans l’es­pace sco­laire »(4).

Le « droit au blas­phème » reje­té par une (courte) majo­ri­té de lycéens

Récem­ment remise sur le devant de la scène par l’af­faire Mila (2020), le « droit au blas­phème » clive pro­fon­dé­ment une opi­nion lycéenne qui penche contre ce droit pour­tant acquis depuis plus d’un siècle (1881) : 52 % des lycéens contestent la liber­té de se mon­trer irres­pec­tueux vis-à-vis une reli­gion et ses dogmes, soit une pro­por­tion qua­si iden­tique à celle obser­vée chez l’en­semble des Fran­çais (50 %).

Cette ques­tion du « droit au blas­phème » met sur­tout en lumière le cli­vage exis­tant sur ce sujet entre les musul­mans et le reste de cette jeu­nesse sco­la­ri­sée dans le second degré. En effet, si les jeunes musul­mans s’op­posent mas­si­ve­ment (à 78 %) au droit d’ou­tra­ger une reli­gion, tout comme les per­sonnes per­çues comme « non blanches » (à 65 %) ou habi­tant dans les ban­lieues popu­laires (à 60 %), ce n’est le cas que d’une mino­ri­té de catho­liques (45 %), d’é­lèves sans reli­gion (47 %) ou non sco­la­ri­sés en REP (44 %).

D’a­près Jean-Fran­çois Mignot, qui obser­vait la même ten­dance dans l’en­quête auprès des lycéens diri­gée par Oli­vier Gal­land et Anne Muxel (2016), cette réac­tion s’ex­pli­que­rait par « une concep­tion de l’is­lam selon laquelle la cri­tique de la reli­gion, de ses croyances, de ses pra­tiques témoigne d’un manque de res­pect envers les croyants eux-mêmes, comme si l’ir­ré­vé­rence envers la reli­gion agres­sait l’es­time de soi des croyants »(5).

Dans ce cadre, il n’est pas éton­nant que les lycéens sou­tiennent moins que la moyenne (à 49 %, contre 59 % chez l’en­semble des Fran­çais) le droit des jour­naux à cari­ca­tu­rer les per­son­nages reli­gieux, sachant que là aus­si, l’op­po­si­tion à cette publi­ca­tion, par­ta­gée en moyenne par un lycéen sur quatre (27 %), est très forte dans les rangs des musul­mans (61 %) et, plus lar­ge­ment, chez les élèves se disant « reli­gieux » : à 45 %, contre 22 % chez les élèves non reli­gieux mais pas athées et 15 % chez les athées convain­cus.

Enfin, les lycéens se dis­tinguent par un sou­tien moins ferme au choix, fait par Samuel Paty, de pré­sen­ter en cours ces cari­ca­tures pour illus­trer la liber­té d’ex­pres­sion : 61 % d’entre eux estiment qu’il a eu rai­son de le faire, contre 71 % chez les ensei­gnants du second degré. La pro­por­tion de lycéens esti­mant qu’il a eu tort n’en reste pas moins faible (17 %), sauf dans les rangs des musul­mans (48 %), des élèves en REP (27 %) ou de ceux se disant reli­gieux (31 %).

Retour en 2015 : une condam­na­tion des atten­tats fai­sant moins l’u­na­ni­mi­té

En 2015, la per­tur­ba­tion des minutes de silence orga­ni­sées en l’hon­neur des vic­times de Char­lie Heb­do a sus­ci­té débats et polé­miques sur l’at­ti­tude ambi­guë de cer­tains élèves à l’é­gard des attaques ter­ro­ristes sans que beau­coup de don­nées repré­sen­ta­tives n’ap­puient ces asser­tions.

À la suite des tra­vaux pion­niers d’Anne Muxel et d’O­li­vier Gal­land sur l’am­pleur des formes de déso­li­da­ri­sa­tion expri­mées à l’é­gard des vic­times, cette étude a donc le mérite don­ner un aper­çu de l’o­pi­nion des lycéens sur ce sujet à par­tir d’un échan­tillon natio­nal repré­sen­ta­tif de la jeu­nesse sco­la­ri­sée dans un second cycle du second degré. Or, il en res­sort une condam­na­tion des ter­ro­ristes moins forte que chez l’en­semble des Fran­çais mais aus­si moins consen­suelle que dans le pas­sé. En effet, si la pro­por­tion de lycéens ne condam­nant pas fer­me­ment ces atten­tats reste une mino­ri­té (16 %), leur nombre semble avoir aug­men­té par rap­port à une enquête de 2016 où elle s’é­le­vait à 7 % (6) chez l’en­semble des jeunes âgés de 15 à 17 ans.

Tou­te­fois, les dif­fé­rences de cibles entre les deux enquêtes, l’une por­tant sur tous les jeunes de 15 à 17 ans, l’autre sur les lycéens de 15 ans et plus, incitent à res­ter pru­dent sur ces évo­lu­tions et à appro­fon­dir plu­tôt cer­taines variables d’a­na­lyse. Cette ana­lyse montre que la désap­pro­ba­tion radi­cale du ter­ro­risme fait moins l’u­na­ni­mi­té chez élèves musul­mans : 9 % « condamnent les ter­ro­ristes mais par­tagent cer­taines de leurs moti­va­tions », 2 % déclarent qu’ils « ne les condamnent pas » et 11 % se disent indif­fé­rents à l’é­gard des ter­ro­ristes ayant assas­si­né tous ces per­sonnes.

Au total, la pro­por­tion d’é­lèves musul­mans n’ex­pri­mant pas de condam­na­tion totale à l’é­gard des ter­ro­ristes est donc presque deux fois supé­rieure (22 %) à celle obser­vée chez les non-musul­mans (14 %). Cepen­dant, cette ten­dance à se mon­trer émo­tion­nel­le­ment indif­fé­rent à l’é­gard des atten­tats touche encore plus for­te­ment les élèves en REP, 30 % ne condamnent pas expli­ci­te­ment les auteurs des atten­tats, sans doute parce qu’ils voient dans l’ir­ré­vé­rence envers l’is­lam une forme d’ir­res­pect tel­le­ment inac­cep­table qu’elle légi­time la vio­lence. Il faut sans doute y voir l’in­fluence de l’im­por­tance don­née à la notion de « res­pect » dans une jeu­nesse popu­laire qui condamne par prin­cipe tout conte­nu poten­tiel­le­ment offen­sant pour des mino­ri­tés per­çues comme « domi­nées ».

Détails de l’é­tude

Étude IFOP pour la LICRA et le Droit de Vivre réa­li­sée en ligne du 15 au 20 jan­vier 2021 auprès d’un échan­tillon natio­nal repré­sen­ta­tif de 1006 lycéens âgés de 15 ans et plus. La repré­sen­ta­ti­vi­té de l’é­chan­tillon a été assu­rée par la méthode des quo­tas (sexe, âge, type d’en­sei­gne­ment, filière et niveau, sec­teur, aca­dé­mie, affi­lia­tion reli­gieuse).

Le point de vue de François Kraus sur l’enquête

« Au regard du double cli­vage mis en exergue par cette enquête, celui entre les jeunes et le reste des Fran­çais d’une part, celui entre les jeunes musul­mans et le reste de la jeu­nesse d’autre part, il est dif­fi­cile de ne pas avoir des doutes sur la péren­ni­té de la loi de 2004 : son assise poli­tique ne pou­vant que s’ef­fri­ter au fil des années en rai­son du poids crois­sant des musul­mans en France (18 % chez les nou­veau-nés mas­cu­lins en 2016, contre 8 % en 1997*) mais aus­si d’une forme d”« amé­ri­ca­ni­sa­tion » des men­ta­li­tés qui fait de l’ac­cep­ta­tion des expres­sions reli­gieuses dans l’es­pace sco­laire un mar­queur géné­ra­tion­nel affec­tant l’en­semble des jeunes de moins de 25 ans (53 %) et pas seule­ment les mino­ri­tés reli­gieuses et/ou eth­niques. L’in­té­rio­ri­sa­tion des notions de droit à la dif­fé­rence et la pri­mau­té don­née au res­pect de la liber­té de choix de cha­cun y sont sans doute pour beau­coup dans une géné­ra­tion qui se dis­tingue par un cer­tain rela­ti­visme des valeurs et un grand res­pect pour les mino­ri­tés. Ain­si, la ques­tion du frein à la liber­té de « blas­phé­mer » se pose­ra éga­le­ment sans doute à terme pour une « géné­ra­tion offen­sée » (Fou­rest, 2020) qui tend plus toute autre à inter­pré­ter la cri­tique à l’é­gard d’un dogme ou d’un per­son­nage reli­gieux comme une forme d’ir­res­pect envers les croyants eux-mêmes. »

Fran­çois Kraus, direc­teur du pôle « poli­tique / actua­li­tés » au Dépar­te­ment Opi­nion de l’I­fop

* cf Jérôme Four­quet L’Ar­chi­pel fran­çais, Points, sep­tembre 2020, p. 190

Notes 

1. Enquête euro­péenne sur « la reli­gion dans l’en­sei­gne­ment. Contri­bu­tion au dia­logue ou fac­teur de conflit dans des socié­tés euro­péennes en muta­tion ? », réa­li­sée entre 2006 et 2009.

2. Joan W. Scott, La poli­tique du voile, Paris, Édi­tions Amster­dam, 2017.

3. Oli­vier Gal­land, Anne Muxel (dir.), La Ten­ta­tion radi­cale. Enquête auprès des lycées, Puf, 2018.

4. Oli­vier Gal­land, La laï­ci­té au prisme du regard des jeunes, Telos, 1er décembre 2019.

5. Oli­vier Gal­land, Anne Muxel (dir.), La Ten­ta­tion radi­cale, op. cit., p. 174.

6. Oli­vier Gal­land, Anne Muxel (dir.), La Ten­ta­tion radi­cale, op. cit., p. 170.

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